Si je vous racontais, vous ne me croiriez pas. Et pourtant. Tout commence comme une fantaisie, comme il s'en tourne parfois pour nous distraire. Pensez donc, un petit garçon, à qui on demande ce qu'il voudrait faire plus tard, répond sans rire : « Miss France ». Ayant eu le plaisir d'enseigner pendant de longues années à de jeunes enfants, j'en ai vu des brigades de policiers et de pompiers, des footballeurs professionnels en veux-tu en voilà, des infirmières et des cohortes d'esthéticiennes au détriment des futures hôtesses de l'air qui pullulaient à une autre époque. Des candidates à Miss France, je n'en ai jamais eu, encore moins de garçons qui avaient ce même rêve.


Alex est ce garçon de neuf ans qui rêve d'être Miss France un jour. Comme pour tous les enfants, l'eau coule sous les ponts et emporte les rêves surtout les plus extravagants et les plus extraordinaires. Quinze ans plus tard, alors qu'il a perdu ses parents et qu'il mène une vie faite de précarité et d'ennui, le rêve resurgit quand il retrouve un ami d'enfance qui a réalisé le sien en devenant un champion de boxe.


Alex vit entouré de colocataires dans l'appartement de sa mère d'adoption et le moins que l'on puisse dire c'est que cette tribu haute en couleurs dans tous les sens de l'expression est plus que réjouissante. Ce phalanstère tourne autour de l'attachante Isabelle Nanty dont la pétulance contenue fait merveille dans le rôle de la maîtresse des lieux et surtout il repose sur Lola, un travesti qui fait des heures de bureau et que Thibault de Monde à l'envers... pardon Montalembert campe avec talent.


Jusque là, tout va bien, nous sommes dans la comédie fantaisiste rondement menée sans un faux pas. Puis Alex fait acte de candidature dans le concours dont il rêve depuis l'enfance. Et là...tout va encore mieux ! Pour notre plus grand plaisir.


Alex est un jeune homme aux traits fins, très féminins, mais il lui manque non seulement des seins mais il a en plus un zizi. Il va falloir dissimuler ce dernier et lui inventer les premiers. Il n'est ni question d'hormones ou de chirurgie dans cette affaire, mais de se transformer en jeune femme charmante et séduisante pour devenir quelqu'un et accéder à la célébrité. Alex est un garçon qui a beaucoup de chance et je souhaite à tout le monde de bénéficier d'un entourage comme le sien.


Lola va lui apprendre les premiers rudiments du travestissement puis le met en relation avec Love alias Amanda Lear qui dispense des formations payantes non remboursées pour faire d'une femme une vraie femme et pourquoi pas d'un jeune homme, une femme plus qu'acceptable. Comme Love refuse de baisser ses tarifs, il ne reste plus qu'à Lola de s'y coller, ce qu'il fait avec efficacité comme le prouve le premier casting.


Il faut toutefois se rendre à l'évidence, la beauté, la sensualité et les épreuves d'un tel concours sont un sport de combat et il est nécessaire que Alex y soit bien préparé. Elias/Quentin Faure, présélectionné olympique et professeur du noble art, va s'en charger. Alex s'entraîne en salle et sur le ring pour gagner en souplesse, en grâce et en élégance mais surtout en assurance. Pour gagner, il faut le vouloir et se construire un mental d'acier. Quand Alex sera assailli par le doute et envisagera même de renoncer, c'est Lola qui prend la relève pour relancer la soif de conquête et le fan-club à domicile comme celui de la salle de boxe sauront lui apporter le soutien nécessaire.


Ruben Alves a fait un film magnifique dont les personnages les plus émouvants sont la tolérance et le respect que nous pouvons avoir les uns pour les autres. Stefi Celma est Paca, enfin miss PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur), elle est une concurrente ardente et féroce, mais certainement pas prête à tout pour gagner et quand elle découvre le pot avec sa rose surprenante elle fait preuve d'une belle connivence.


Alexandre Wetter, mannequin et comédien au physique atypique, fait une prestation aussi spectaculaire que le chanteur Bilal dans la chanson. Ruben Alves et Elodie Namer, au scénario comme aux dialogues, tracent au cordeau une parole et un jeu, sans aucune bavure.


Allez voir ce film. C'est du vrai cinéma ; celui que nous aimons. Celui qui donne du bonheur !


*


Dernière minute :
Par sms, Thibault de Montalembert me fait savoir que mon jeu de mots sur son patronyme est peut-être fin et amusant et en l'occurence fait à bon escient mais qu'il manque totalement d'originalité et, qu'en aucune manière, je ne pourrais m'en attribuer la paternité. Il vous informe par la même occasion qu'on le lui a servi depuis l'école maternelle et notamment dès la section Mat-Sup (maternelle supérieure appelée aujourd'hui Maternelle-Grands). Un de ses profs de lycée, dont la finesse d'esprit et l'humour n'étaient pas les plus grandes qualités, lui servait ce qu'il persistait à prendre pour un trait d'humour original à peu près trois fois par semaine pendant une année scolaire entière.
Dont acte.


*

Freddy-Klein
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le 25 oct. 2020

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