Miss réussit à mêler l’aspect feel good movie qu’impose son canevas balisé – chacun des retournements s’avère prévisible, comme écrit par avance – à une cruauté véritable et plurielle ; et de cet entrelacs du convenu et du cruel naît un récit qui utilise la fiction du concours de miss pour révéler la violence qu’exerce la société sur ce qui apparaît différent, cantonné à la marge, reclus dans une maison qui ressemble davantage à un microcosme situé hors du monde, un récit qui utilise la fiction pour conjurer cette violence en ouvrant le rêve à tous les rêveurs, quel que soit leur sexe.


Ruben Alvès donne vie à une œuvre profondément sensible et sincère qui, malgré lesdits passages obligés qui alourdissent l’ensemble, aborde l’humain comme un écran sur lequel sont projetés un certain nombre de préjugés – rigueur d’Amanda, répartie de Yolande, mépris de miss Paca, travestissement de Lola – à l’instar de Miss France. Aussi le concours démasque-t-il l’artificialité de certaines pour mieux insister sur la complexité d’autres, les apparences s’avérant souvent trompeuses. La présence d’un atelier clandestin dans l’appartement de Yolande n’est pas anodine : elle atteste la fabrique des apparences et la construction souterraine d’une identité au contact de l’altérité. Cet appartement ne dispose pas d’une topographie finie ou définie : il paraît extensible, capable d’accueillir tous les rejetés de la Terre pour leur offrir un toit et du couscous ; il agit tel un accélérateur de particules, une zone de turbulences familière dans laquelle les langues se délient, les coups au moral se portent – en ce sens, il redouble la salle de boxe – et se fondent les liens d’amour et d’amitié.


Le long métrage joue de cet écart entre l’extérieur et l’intérieur, le vrai et le faux, en recourant au comique le plus savoureux ; à ce titre, nous saluons l’écriture ciselée des dialogues qui ne manquent ni de rythme ni de bons mots – nous n’en citerons qu’un, lorsque Lola, fascinée par la grâce d’Alex, reconnaît « la démarche qu’elle a chopée au bois de Boubou ». Porté par d’excellents acteurs, dont Pascale Arbillot, Isabelle Nanty et, révélation du film, Alexandre Wetter, Miss réussit à ne jamais s’enfermer dans une dénonciation à charge, s’affranchit de la théorie pour incarner par l’image et le mouvement une redistribution de la féminité qui n’est plus réservée aux femmes, comme une donnée initiale, mais à quiconque s’en donne les moyens. Cela évoque une citation bien connue, que nous reprendrons pour conclure : « On ne naît pas femme : on le devient ».

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le 6 févr. 2021

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