Miss Peregrine et les Enfants Particuliers laisse à son issue un drôle de goût en bouche. Alors même que sa première partie semble renouer, en apparence, avec ce que Tim Burton avait pu donner à son public avant la fin des années 2000. On y décèle même de légères références ou des petits bouts de souvenirs d'oeuvres telles que Big Fish, avec ce grand-père qui racontait des histoires extraordinaires à son petit fils, qui enquête pour démêler le vrai du faux, ou encore Edward aux Mains d'Argent, le temps d'une séquence où l'un des enfants particuliers donne vie à des poupées qui s'entretuent.


Burton illustre le bouquin qu'il met en scène avec certaines images assez sombres et graphiques, voire choquantes, tandis que la visite du refuge de Miss Peregrine enchante. Mais une impression étrange prendra peu à peu le spectateur à la gorge : celle d'entamer une visite dans un musée poussiéreux, figé et exangue qui aurait bien besoin de subsides pour que la direction puisse procéder un bon coup de fraîcheur et de neuf. Comme si le réalisateur défunt qu'il a été voulait dire un truc du genre "lâchez-moi avec mes chefs d'oeuvres". Alors même qu'il agite finalement quelques oripeaux de sa gloire passée comme s'il voulait donner un gage de fidélité à ses fans les plus ardents.


Sauf qu'encore une fois, l'ami Tim se trompe sur ce qui rendait son imaginaire à nulle autre pareil. Pour lui, en 2016, le freak ne s'envisage qu'en évoluant en vase clos, avec les siens. Le freak est aussi light et rayonnant, dans un univers un brin amidonné et vivant dans une boucle temporelle bienheureuse. Tim semble encore une fois dire que ce qui faisait sa différence, sa magic touch, appartient aujourd'hui au passé et qu'il faut en faire son deuil.


Il n'y aurait pas de difficulté à passer à autre chose si Tim Burton avait gardé de son univers ce qui en faisait la sève, même si c'était pour la réinjecter dans d'autres thématiques. Or, Miss Peregrine et les Enfants Particuliers, il ne l'envisage que comme un gros livre d'images, parfois belles, parfois impressionnantes, comme ce bateau d'un autre temps qui sort des flots, mais qui illustre une histoire à mi chemin entre un énième Harry Potter like et une very first class des X-Men, dont les enfants particuliers ne sont définis que par leur pouvoir qu'il n'utilisent par ailleurs qu'à minima. Le tout saupoudré d'une love story ado dont on se serait bien passé. C'est qu'il y avait tellement à faire avec ces visages privés d'yeux, ces monstres au look très Resident Evil et quelques uns de ces gamins auxquels il aurait été facile de s'attacher.


Car si les deux tiers de Miss Peregrine et les Enfants Particuliers fait passer un relativement bon moment, sa dernière partie tire carrément à la ligne, avec son méchant roublard et bavard à la limite du ridicule, ses pouvoirs sortis de nulle part ou encore le fait qu'aucun des gamins ne reste sur le carreau et que la love story ne se brise pas. Mais le pire, c'est que Tim Burton renie son attirance freak puisqu'il extirpe ses enfants particuliers pour les confronter au mal... En pleine fête foraine kitch où, pour faire apparaître les monstres au grand jour, on les bombarde de boules de neige pour les enchaîner avec de la barbe à papa... Pour enfin faire rosser leurs fesses par une bande de squelettes sortis d'on ne sait où. Tout cela désamorce immédiatement toute tentative d'installation d'une tension, de gravité ou tout simplement de faire vivre le fantastique qui irrigue le show.


Et alors que Tim Burton semblait concerné au début de son dernier effort, on jurerait qu'il quitte à cet instant la barre de Miss Peregrine, comme s'il réalisait, trop tard, qu'il aurait pu livrer un autre film s'il s'en était emparé plus rapidement dans sa filmographie. Si la team de Mad Movies voit dans cette séquence une critique, en désespoir de cause, de l'entertainment américain actuel, ce qui peut se défendre, il est cependant dommage que la charge intervienne si tard et ternisse le film dans son entier, offrant un passage à vide king size qui en parasite le ressenti. Ainsi que la possibilité de poser ses yeux sur le plan le plus foiré de l'oeuvre qui, hasard ou coïncidence, met en scène l'ami Tim... En résulte une adaptation assez bâtarde prise entre rares spasmes sombres qui auraient dû constituer le coeur du film et oeuvre de commande lisse qui coche malgré tout et consciencieusement chaque élément de la liste du blockbuster pour enfants qui voudrait porter dans les salles un Harry Potter à la sauce X-Men.


Dommage, au bout du compte, alors que Miss Peregrine et les Enfants Particuliers semblait taillé pour le réalisateur. Il ne servira finalement qu'à une chose : se rendre à l'évidence, alors qu'un sentiment de gâchis monte doucement dans le coeur, et se dire que Tim n'est plus ici.


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