Rogue Nation est le meilleur Mission Impossible qui soit. Les adeptes seront conquis, les neutres seront intrigués et les sceptiques le resteront devant l'éternel.


Voilà, on peut s'arrêter là.


Non, évidemment que non. Ce ne serait pas raisonnable. À ce propos, doit-on l'être quand il s'agit de parler d'un long-métrage qui n'a que faire de cette supposée raisonnabilité ? À tel point qu'il ne cesse de pousser la notion d'extrême à son paroxysme, magnifiant le tirage de cheveux scénaristique comme ce fut rarement le cas dans le cinéma d'action américain, jouant avec nos nerfs et nos pulsions pour faire monter une tension déjà bien entamée et ce, dès l'introduction.


Il me paraît évident que Mission Impossible fera l'objet d'une ambiguïté : est-il le sauveur d'un été morose au cinéma, quel qu'il soit ? Sauveur, est-ce sans doute un bien grand mot, ce qui est plus sûr c'est qu'il n'aura pas de mal à se placer dans le haut du panier, critique et commercial. Certes, une tâche pas si ardue, en somme.


Déjà, et je risque sûrement de me répéter de nombreuses fois dans ce billet, Rogue Nation est le meilleur épisode de la saga, à bien des égards. Avec ses airs bondiens, cette nouvelle partition fait l'étalage de tout ce qu'il est bon d'entreprendre. Une véritable leçon en termes d'intensité, de rythme, de maîtrise de scénario - aussi enjôlé soit-il -, et il est manifestement tout aussi fun que ses prédecesseurs. Mais jusqu'où Ethan Hunt va-t-il encore bien pouvoir aller ? C'est la question qu'on se pose.


Par ailleurs, l'interprétation des acteurs de Mission Impossible n'a jamais été aussi pertinente qu'ici. On les sent véritablement impliqué, en témoigne les déclarations de Tom Cruise qui dit retrouver dans cette production qu'est Rogue Nation l'effort le plus physique qu'il ait dû faire de toute sa carrière. Argument fumeux ? J'en ai bien peur, force est de constater qu'en dehors de ces détails de poids, le film orchestré par Christopher McQuarrie recèle de quelques folies fortement excitantes. Ce n'est pas sans retenu, croyez-le ou non, que je vous avoue avoir été admiratif devant certains plans. Je pourrais en effet citer bêtement des scènes du film, mais cela ne mènerait à rien. Toutefois, je me dois de mentionner la séquence de l'opéra qui, à elle seule, contient et conjugue tout ce qui fait la réussite de Rogue Nation.


Au travers de ces événements qui se déclenchent pour en laisser présager d'autres, la découpe de ceux-ci jouent le rôle de relais pour donner aux rebondissements la puissance qu'il leur faut. Dès lors, l'offrande qui est faite aux spectateurs prend une forme manifestement minimaliste qui prône l'action pour mieux la souligner dans des temps calmes où la musique disparaît, mais dont on sent la présence fantômatique, car elle ne saurait tarder de réapparaître tant le montage de McQuarrie déploie une harmonie entre ce qui se passe à l'écran et ce qui parvient jusqu'à nos oreilles.


Outre le climax parfait auquel s'est laissé tenter le long-métrage, celui-ci va et vient, entre ciel et terre, s'en allant un peu partout dans le globe sans jamais perdre de vue ses enjeux du début, au contraire. Et pour nos beaux yeux, le film se paie même le luxe de mettre sur le tapis un humour bien mieux rôdé qu'auparavant, chose qui faisait défaut à la franchise jusque là car il était toujours délicat de contrebalancer le sérieux de Tom Cruise. C'est là qu'entre en scène Simon Pegg, il est le miroir du personnage de Ethan Hunt, apportant une légèreté qu'il serait difficile de rechigner, davantage que dans Protocôle fantôme où il n'était que l'ombre de lui-même.


Avant de mettre un point d'orgue à ce billet, il serait regrettable de ne pas mentionner les réserves, plus ou moins légères, qui expliquent pourquoi je n'ai pas fait péter la barre d'étoiles pour cette œuvre, c'est simple, je me laisse le plaisir du remattage qui décidera de son sort, vais-je monter ou descendre la note... Une histoire de recul disaient nos ancêtres, une façon communément admise pour se laisser de la marge. D'autre part, le film n'est pas exempt d'imperfections, ni de micro-bévues qui n'entachent pas notre vision de ce divertissement, loin de là. Les rouages de M:I, on les connaît, il est donc plus intéressant de relever ce qui a été changé, amélioré ou supprimé. A fortiori, il peut parfois être pénible d'adhérer pleinement à l'exagération technologique de l'équipe M:I qui ne lésine pas sur les moyens pour arriver à ses fins.


Mission : Impossible - Rogue Nation écrase ses aînés et il le doit à la performance physique et psychotique de son casting. La binarité entre gentils et méchants n'a plus lieu d'être et ça McQuarrie l'a compris. La prouesse de Rogue Nation ne repose pas essentiellement sur les chutes qu'il a à nous dévoiler tout le long de son histoire, mais sur ses remarquables jeux de tension et de friction. La formule M:I n'a jamais été aussi à la fois raffinée, explosive et criante d'efficacité, dans tous ses compartiments. Parmi les satisfaits, beaucoup le considéreront comme un nouveau plaisir coupable, pour d'autres comme une continuité progressive et logique de la saga. Quoi qu'il advienne, aussitôt sorti de la salle de projection, aussitôt l'envie de le revoir me ronge.

Eren

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