Plus film fantastique que film d'horreur : des éléments surnaturels qui font irruption dans le réel, progression dans le doute sur la réalité ou non du Babadook, certitudes du protagoniste et du spectateur qui vacillent.
Au début, on peut croire à la thèse de l'enfant perturbé qui imagine un monstre, phénomène courant comme prend soin de l'expliquer le médecin à la mère, tentative de rationaliser les événements étranges. La thèse est corroborée par les différents propos de la soeur de la mère et par la direction de l'école d'où l'enfant est renvoyé. Ils contribuent à faire croire à un enfant violent qui joue notamment avec des armes qu'il fabrique lui-même et les apporte à l'école, mais la scène avec sa cousine est le seul moment où on le voit violent, et ce n'est qu'en réaction aux longues provocations de la petite fille.
L'angoisse du spectateur se déplace donc de l'enfant à la mère, qui à force de solitude et à force de devoir supporter son fils quelque peu turbulent et névrosé, commence elle-même à voir le Babadook. Ce n'est pas faute d'avoir été prévenue par son fils, tragique Cassandre que personne n'a voulu écouter, comme...tous les enfants dans les films. Le film ne brille pas par sa subtilité. Par exemple, les couleurs sont fades, la décoration de la maison assez froide, la mère est elle-même pâle, sans maquillage, les traits marqués, la voix effacée, toujours habillée des mêmes vêtements pastels qui contribuent à donner l'image d'un personnage doux mais fatigué et vulnérable, pour pouvoir


mieux te manger mon enfant


mieux créer un contraste après, une évolution.


Ce que l'actrice réussit très bien, jusqu'à reproduire parfaitement la posture et l'expression du monstre dans une scène dans la chambre.


La bascule dans le fantastique a lieu quand la mère voit le monstre dans la voiture, occasionnant un accident. Elle refuse pourtant d'y croire, laissant perdurer l'incertitude quant à la réalité du monstre ou à sa folie à elle, dans laquelle elle a l'air de plonger de manière bien réelle. Le film emprunte parfois au cinéma expressionniste allemand, avec des jeux d'ombre aussi bien qu'avec la forme-même de la créature anguleuse et distordue, qui se retrouve dans les monstres des films (expressionnistes) que la mère regarde à la télé (ce qui est une bonne idée quand on est déjà dans une phase psychotique aiguë). L'idée ici est peut-être d'ailleurs de sous-entendre que la mère, parce qu'elle est dans un état de nervosité avancé, n'arrivant plus à dormir depuis longtemps, imagine une créature semblable à celles qu'elle regarde de façon hypnotique à la télé. Dans la même logique, elle dit à la fête d'anniversaire qu'elle écrivait des livres pour enfant auparavant, tandis que le livre au centre du film est un livre pour enfant apparu de nulle part, qui revient recollé après que la mère l'a elle-même déchiré, puis brûlé (ou...l'A-T-ELLE VRAIMENT BRULE?). Bref c'est assez gros parfois et finalement ce n'est pas tellement la question du film, qui est suffisamment bien fait pour que tout ne repose pas sur cet enjeu.


Ce qui est assez limpide aussi, c'est la dimension symbolique du Babadook, sorte d'épouvantard harrypotterien, matérialisation des angoisses/désirs profonds de la mère. En effet, son compagnon et père de l'enfant est mort 7 ans auparavant, sur le trajet pour la maternité. Elle lutte toujours avec sa rancune vis-à-vis de l'enfant à cause de qui, très indirectement, son compagnon est mort. C'est limpide, peut-être trop pour certains, mais c'est très agréable, on ne s'encombre pas de circonvolutions inutiles et maniérées.
De façon très intéressante, le petit garçon peut voir le monstre avant la mère. Si on suit la symbolique, cela signifie qu'il sent les angoisses et conflits internes de sa mère avant qu'elle n'en ait elle-même conscience. Comme souvent les enfants, il perçoit les tensions, subit le poids d'une atmosphère très lourde pendant 7 ans, et cherche à protéger sa mère d'elle-même. Ils sont tous les deux seuls à pouvoir voir le Babadook, parce qu'ils sont les seuls à vivre avec ce souvenir et cette absence du père. La pulsion infanticide réussit à s'échapper de l'inconscient de la mère parfois. Elle frôle la surface et replonge, jusqu'à ce que la mère parvienne à la regarder en face, à la dominer et à lui donner des vers de terre à manger (?) (cette interprétation n'est pas à toute épreuve).


La fin est un peu dommage mais le film est une bonne surprise. Il n'est pas saturé de jump scares et prend son temps. Et la situation d'une mère célibataire avec un enfant turbulent est un bon terreau psychologique pour un film fantastique ou d'horreur.

Tsamon
6
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le 21 sept. 2016

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