Je précise d'ores et déjà que je n'ai pas lu le roman, par conséquent je ne jugerai pas ce film de Peter Brooke sur sa qualité d'adaptation.
Au fond, c'est l'histoire d'une femme dont le corps et l'âme ont longtemps été captifs d'une famille de la grande bourgeoisie, qui a appris à se replier sur son fils, et sur qui l'amour, en la personne de Belmondo, va fondre.
L'action se situant dans l'estuaire de la Gironde, il y a une ambiance de quais aux pavés inégaux, de zinc où l'on prend un canon de rouge et de sirènes de bateaux qui pourrait rappeler Quai des brumes (la brume en moins).
Cependant le film a cette raideur un peu hiératique des films où les personnages ont de vraies conversations, où l'on peut s'abstraire du monde pour envelopper une personne, et que d'aucuns jugeront chichiteuse. La diction, un peu compassée, annonce un peu la Nouvelle Vague, mais bon, c'est Duras, quoi.
J'aime bien le début, il y a de beaux plans de la foule accourant vers le café du port. Cependant, malgré sa durée raisonnable (1 h 30), le film a un tempo vraiment lent, qui ne retiendra pas tout le monde. Les scènes d'amour se fixent parfois trop longtemps sur le visage (pourtant magnifique) de Jeanne Moreau.
Le symbolisme est un peu lourd pour souligner l'enfermement du couple : la maison barrée par la porte de la grille au premier plan, le couple de part et d'autre d'une longue table... En revanche on notera le jeu sur les volumes sonores pendant la réception, qui souligne bien la position précaire d'Anne.
Si le film possède peu d'audaces formelles, le placement dans le cadre, à défaut d'être révolutionnaire, est efficace et signifiant, c'est du beau cinéma réaliste.
Reste que l'histoire est un peu plate. Ce que Brooke a réussi à bien rendre, c'est la manière dont le mode de vie bourgeois entend contrôler les corps, notamment celui de la femme.
Moderato Cantabile est un classique au rythme un peu lent. Jeanne Moreau, sur qui beaucoup du film repose, fait un sans faute. Chapeau bas à cette grande dame.
Synopsis.
Une leçon de piano, sur laquelle un enfant, Pierre, bute. Elle est interrompue par un cri déchirant. La professeure et la mère, Anne essaient de poursuivre, mais l'agitation dehors est trop forte. Une femme a été retrouvée morte dans le café du port, un homme désespéré essaie de s'allonger à ses côtés.
Anne, dont on découvre qu'elle est mariée à un directeur d'usine, alors qu'elle accompagne l'enfant à sa leçon, s'arrête au café pour glaner des informations. Chauvin, un jeune homme, l'aborde. Il lui promet, si elle revient, d'en savoir plus sur le meurtre. Elle ne revient pas le jour suivant : elle prend le bac avec le petit. Il la suit, la rejoint. Invente une histoire à propos du fait divers : un couple qui s'est aimé, peu à peu. Il avoue à Anne qu'il l'observe et sait comme elle dépérit dans son mariage.
Ils se recroisent, s'avouent qu'aucun des deux n'a dormi, s'embrassent. Elle dit qu'elle sait qu'il inventait tout. Elle tarde à rentrer chez elle.
La leçon de piano se passe mal : Pierre ne supporte plus le piano et la professeure se braque. Il en a assez que sa mère l'étouffe, essaie d'enjoliver la cruauté du monde. Le soir, au lieu d'aller dîner, Anne, qui sent sur elle le regard des domestiques, quitte la maison pour aller au bar. Mais Chauvin lui dit de rentrer chez elle et d'assister à la réception de son mari. Le dîner en question est mortifère.
Anne s'excuse, embrasse son fils, puis sort saoûle devant les chauffeurs pour rejoindre le café. Ils parlent. Chauvin dit qu'il va partir : ils ne pourront pas s'aimer. Il part. Elle hurle. La voiture envoyée par le mari pour la chercher la trouve. Elle monte dedans, retourne vers sa prison.