Le temps n'a pas de prise sur Ken Loach. Il n'attendrit pas le cinéaste que les dérives libérales de la société britannique révoltent au plus haut point. Son film est un pamphlet ou plus prosaïquement un crachat au visage des tenants de cette politique désespérante et cynique, tant il est violent et pessimiste. Il a les qualités et les certains défauts, plus ou moins prononcés, du cinéma de Ken Loach : une puissance du trait alliée à une écriture souvent sèche, avec un interprétation de premier ordre pour l'épauler ; mais aussi, un manichéisme parfois gênant (les pauvres sont bons et s'entraident, les autres ne veulent rien voir et se réfugient derrière les lois, aussi iniques voire grotesques soient-elles). Il y a une certaine candeur ou est-ce de la roublardise, dans la volonté du réalisateur d'enfoncer le clou le plus profondément possible. Filmé sans nuances, Moi, Daniel Blake est certes honnête dans sa démarche et Loach bien entendu sincère. De là à lui accorder une Palme d'Or, c'est la démonstration que les intentions sont récompensées et non les vertus cinématographiques intrinsèques (c'est un des Loach les moins inspirés du point de vue de la mise en scène) dans ce qui ressemble plus à un réquisitoire efficace (mais démonstratif) qu'à une oeuvre subtile et laissant un libre arbitre au spectateur.