Le réalisateur britannique Ken Loach, nous assène une fois de plus un uppercut cinématographique dont on aura bien du mal à s’en remettre. On reste groggy bien au-delà du générique de fin, tant l’emprise émotionnelle de «I, Daniel Blake» est puissante. Pourtant, en toute humilité, Ken Loach filme le parcours d’un homme, Daniel Blake (époustouflant Dave Johns) ayant perdu son travail après une crise cardiaque. Devant la caméra discrète de Loach, s’effaçant pour laisser la part belle à ses acteurs, Daniel devient malgré lui un simple chômeur, lui le travailleur d’une vie. Comment rester digne quand la société vous met au rebus ? Nous allons suivre son calvaire, que dis-je, sa descente aux enfers administrative pour prétendre toucher ses indemnités. Sans autres formes de procès, Ken Loach nous ouvre grand les portes du doux monde de la recherche d’emplois, thème universel au demeurant. Daniel Blake est loin de se douter dans quoi il vient de mettre les pieds. De rendez-vous interminables et surréalistes dans les locaux des services sociaux, en questionnaires de santé absolument ubuesques, Daniel se noie dans cet océan de paperasseries incohérentes et répétitives. Une bouée de sauvetage en la personne de Katie Morgan (Hayley Squires), mère courage et ses deux enfants, dont il prendra la défense, viendra repêcher Daniel au bord de la rupture. Une amitié forte, quasi paternelle verra le jour. L’union faisant la force, Daniel va devoir affronter bien des épreuves. Durant plus d’une heure et demie, Ken Loach à travers ces héros ordinaires fait de «I, Daniel Blake» une dénonciation cinglante, souvent cynique des absurdités administratives de nos sociétés occidentalisées, soi-disant civilisées qui transforme l’humain en un numéro de sécurité sociale, une simple quantité négligeable voire négligée qui prendra toute sa dimension dramatique lors de l’implacable final de ce véritable chef-d’œuvre, qui a obtenu la palme d'or au dernier festival de Cannes.