Et pour ce soir (ou hier matin plutôt) :
Moi, Daniel Blake, 2016, du vénérable Ken Loach, avec Dave Johns dans le rôle de Daniel Blake.
Synopsis administrativo-kafkaïen : Daniel est un menuisier qui a fait un arrêt cardiaque sur son lieu de travail. Arrêté pendant quelques mois, il fait une visite médical qui doit déterminer s'il peut avoir une pension d'invalidité ou, sinon, aller s'inscrire dans une recherche de travail active. C'est ainsi que les ennuies commencent. Parce qu'il n'est pas suffisamment invalide pour avoir son indemnité, mais n'a pas pour autant reçu l'autorisation de son médecin de travailler. Du coup, il ne peut légalement chercher du travail mais doit travailler parce qu'il ne peut toucher d'indemnité. Pire encore, du fait de l'informatisation générale, lui qui n'a aucune inspiration avec l'informatique doit se débrouiller avec, le contact humain du conseiller s'étant progressivement effacé. Et le zèle d'une partie de l'administration qui accepte et épouse la rigueur et la froideur inhumaine du système ne font qu'augmenter cette ambiance kafkaïenne ridicule d'un homme prit dans une situation inextricable à cause du système.
Ken Loach... Voila un vrai dinosaure du cinéma engagé de gauche. C'est quand même assez impressionnant, il a commencé dans les années 60 ! Et le voila, 81 printemps au compteur, toujours enragé et engagé dans les luttes sociales. Mes connaissances de son cinéma ne sont pas énorme, pour être honnête, j'ai souvent eu l'impression que c'était un réalisateur qui se répétait beaucoup, toujours à montrer la misère humaine, l'aspect pathétique de l'existence, pas spécialement agréable à voir tout le temps. Du coup, avant celui-là, je n'avais vu que "Le vent se Lève" de 2006 et "Looking for Eric" de 2009, un drame historique et une comédie dramatique. Deux films que j'aime énormément, par ailleurs. Du coup, ce troisième film, que vaut-il ?
Eh bien, c'est un bon cru. La mise en scène, assez épuré, reste efficace, d'autant qu'elle reste dans le ton, vu qu'on voit progressivement un héros perdre ses possessions au fur et à mesure. De plus, l'image reste finalement assez coloré, très dans le ton de l'automne, avec des teintes rouges des feuilles et des briques. Mais surtout, c'est ses héros qui sont tops. Tout d'abord, Dave Johns qui est excellent dans son rôle, tout en subtilité, à la fois touchant et bourru. En face de lui, Hayley Squires qui incarne Katie est top aussi, tout en subtilité et en fragilité face à la bêtise épouvantable des Job Centers.
Et la deuxième force du film, c'est finalement de ne pas être misérabiliste, mais montrer au contraire une forte solidarité de ceux d'en bas face aux représentants d'une administration bornée et stupide, en montrant l'ouverture d'esprit, la gentillesse et le bonté des organismes d'aides. D'ailleurs, ce n'est pas vraiment un récit manichéen, car même dans l'administration, certains essayent d'aider. Et le plus fort là-dedans, c'est que l'administration essaye d'écraser ces gens-là...
Parce que tout l'enjeu de ce film, c'est de montrer qu'on a progressivement atteint un niveau où l'on demande des preuves totalement fantaisiste pour prouver qu'on cherche du travail pour obtenir des allocations chômages qu'on oublie de dire qu'elles sont un droit, qu'on a cotisé pour elle et que, ce faisant, on en vient à cracher sur ceux qui profitent de leurs droits... Mais pire encore, qu'on en vient également à écraser ceux qui n'ont matériellement pas les moyens de répondre aux fantaisies d'un système qui est plus froid que le coeur de Margaret Thatcher (aujourd'hui, même si la différence est à peine perceptible entre quand elle était encore en vie et aujourd'hui, en nourrissant les vers). Le plus fort, c'est qu'on pourrait aisément faire la comparaison avec le système français, les politiques actuelles, la bêtise des médias qui donnent la parole à des taches comme Pierre Gattaz...
Donc oui, Moi, Daniel Blake est un film méritant, naturellement engagé (si vous votez Medef, vous pouvez oublier l'idée), bien filmé et surtout vachement bien interprété. Par contre, c'est pas le genre de film à forcément regarder quand on est dans une situation sociale un peu critique...