Généralement le biopic est souvent abordé de manière classique ; rare sont les films qui sous couvert d’avoir un personnage charismatique, ne tombent pas dans la facilité.
De Tonya Holding, je ne sais que très peu de choses ; le fait divers relayant des faits sans jamais plus approfondir, je n’ai d’échos que sa violente attaque envers Nancy Kerrigan. Et encore, c’est surtout la sortie du film qui a remis en avant ce fait divers, avant cela je ne connaissait que la petite fiancée de l’Amérique, et non pas la vilaine redneck.
Pourtant quelle fut ma surprise de prendre part à ce biopic, avec autant d’envie que de réel suspens sur un fait pourtant bien établi. Moi, Tonya, surprend par son aspect à la fois comique et tragique. En imposant ce double procédé, le film permet de s’éloigner du pathos pour mieux souligner la rage de son personnage.
En se basant uniquement sur les faits, le réalisateur remonte alors toute la vie de la jeune femme, car se borner simplement à l’acte violent dont on l’accuse n’aurait fait que jouer le jeu d’une presse à sensation. C’est donc en réel travail d’investigation qu’on entre dans les détails de la vie d’une femme. Entre sa condition de petite fille pauvre, porte-étendard d’une Amérique white trash, et la violence de sa mère aux méthodes de discipline controversée, on ne peut que comprendre le déferlement d’une telle rage en la personne de Tonya. Du coup elle en devient sympathique, non parce qu’elle est en plus incarnée par la talentueuse Margot Robbie, mais surtout parce qu’elle se sert de son pathos pour mieux rebondir. La violence qu’elle subit, elle ne peut que la renvoyer, ou tout du moins tenter de la dompter.
Sans excuser la jeune femme, le film démonte donc avec brio l’institution du patinage artistique, fort vivier de compétition entre les filles, qui favorise la fortune et l’esthétique de ces athlètes plutôt que l’aspect sportif. La violence, et pas uniquement le fait des hommes, vient alors relancer le débat qu’initiait Whiplash pour mener la performance jusque dans la douleur.
D’autant plus que la lumière portée sur les rednecks ne vient que souligner leur exclusion d’un certain monde élitiste, prenant aujourd’hui largement leur revanche avec l’élection d’un président controversé, pour leur plus grand malheur aussi. C’est alors toute la grandeur de l’Amérique qui ploie sous ses défauts. Le fait divers est donc mis en abîme dans sa perversité à miser sur le scandale, quitte à tuer les rêves d’une jeune femme. Le film reste d’ailleurs habilement dans le flou, et cela en utilisant la débilité de certains personnages, comme le fait très bien le film et la série Fargo, misant sur une part bien misérable de la stupidité humaine pour étayer l’acte violent que tout le monde attend.
Moi, Tonya sort alors du postulat de base, qui est de nous raconter le fait divers de l’attaque sur Kerrigan, pour déployer de multiples critiques sur l’environnement malsain dans lequel Tonya a grandit. L’humour ne donnant que plus de force aux propos cyniques de la patineuse quand à sa condition, quitte à alpaguer le spectateur venu voir ses exploits autant que ses failles, histoire de continuer la mise en abîme.
Le film révèle alors autant le talent que l’obsolescence d’une femme née au mauvais endroit, entourée des mauvaises personnes qui la mènent au mauvais choix, sans pour autant nier sa violence, sa détermination et son charisme. Une réhabilitation certes, mais surtout une plongée au cœur de l’Amérique, entre grandeur et décadence !

LuluCiné
8
Écrit par

Créée

le 4 mars 2018

Critique lue 98 fois

LuluCiné

Écrit par

Critique lue 98 fois

D'autres avis sur Moi, Tonya

Moi, Tonya
Glaminette
8

Triple Axel et Mandales dans la Gueule

"Moi, Tonya" est pour moi un film coup de poing : au sens propre, comme au figuré. Brut dans sa réalisation : avec des acteurs qui s'adressent directement à la caméra , et donc à toi, spectateur...

le 16 avr. 2018

28 j'aime

15

Moi, Tonya
LeMalin
7

Tonya is America

Le patinage artistique est un sport d’avantage regardé par les femmes que les hommes, c’est statistique. Et comme je ne voudrais pas fausser les chiffres, autant vous dire que la perspective de...

le 13 févr. 2018

23 j'aime

Moi, Tonya
Val_Cancun
7

Les pantins du patin

Très bon biopic consacré à la patineuse américaine Tonya Harding, mais on passe (de peu) à côté d'un petit chef d'œuvre, car le film aurait pu être encore meilleur. Le réalisateur australien Craig...

le 5 oct. 2021

21 j'aime

5

Du même critique

Memento
LuluCiné
5

Critique de Memento par LuluCiné

Les adorateurs suprêmes de Nolan ne citent que Memento comme référence. Pour tous les autres n'ayant pas un avis surdosé sur le réalisateur, le film vaut le coup d’œil pour son montage décousu...

le 26 nov. 2014

32 j'aime

4

Hérédité
LuluCiné
5

Critique de Hérédité par LuluCiné

Et voilà qu’on nous refait le coup du renouveau du film d’horreur, et cela à bon escient car c’est pour mieux s’éloigner du produit ultra fabriqué surfant sur la vague du marketing et du jump-scare...

le 18 juin 2018

26 j'aime

2

Knight of Cups
LuluCiné
3

Critique de Knight of Cups par LuluCiné

Mieux vaut savoir à qui on a affaire quand on va voir un film de Terrence Malick, son cinéma n'est pas à la portée de tous mais garde un mysticisme et une palette des sensations qu'on aborde toujours...

le 25 nov. 2015

21 j'aime

2