Si vous me réduisez au désespoir, je vous avertis qu’une femme en cet état est capable de tout !

Les enseignants de français, c'est un peu comme les médecins ou les pompiers.

Vous imagineriez un docteur terminer tranquillement la lecture de son magazine, en tourner nonchalamment les pages pendant qu'à ses côtés un autre passager du bus tombe en apoplexie ?

Non.

Vous imagineriez un pompier continuer tranquillement sa route tandis qu'il passerait à proximité d'un accident de voiture en tournant la tête de l'autre côté ?

Non plus.

C'est pareil pour nous figurez-vous !

Je ne peux fureter parmi les rayonnages du magasin de DVD sans m'arrêter sur certains titres qui me font dire, une certaine excitation dans la voix : "Un film qui porte le nom du Big Boss du théâtre français ? Chic, s'il est réussi je pourrais le passer aux élèves quand on fera le théâtre !"

[Afin de contrer d'office toute critique, je précise que nous ne faisons voir de films aux élèves que par brefs extraits abondamment commentés et durement sélectionnés à l'aune de la rigueur rigueur professorale, chaque diffusion incluant la scène retenue dans le vaste champ du Livret Personnel de Compétences. Merci de ne pas me demander les références du BO sur lequel je m'appuie, faites-moi confiance pour une fois ça serait pas du luxe. Bref. ]

C'est ainsi que j'ai commis le redoutable forfait de vider ma bourse pour une bien mauvaise cause.



C'est simple, si vous aimez Molière, vous risquez de détester le film.

En revanche, si vous aimez les anthologies qui permettent de frimer à peu de frais à l'aide de vers célèbres, peut-être que vous allez kiffer.

Si de Molière vous vous foutez, relisez-le, on en reparlera après.



Tout le film est un quiz sur les répliques célèbres !

Je vous en fais quelques unes pour la route, ça vous évitera la tentation de vous appauvrir à votre tour si ça vous amuse :

"Couvrez ce sein que je ne saurais voir"

"Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris"

"Marquise vos beaux yeux me font mourir d'amour"

"Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?"

Voilà voilà.

Le plus navrant c'est qu'on risque de croire en voyant ce "truc" que c'est autobiographique ! Pas du tout, malheureux spectateur ! Le but est de nous expliquer comment Molière aurait pu (remarquez l'emploi du conditionnel) trouver l’inspiration de ses plus grandes et fameuses pièces : Tartuffe, Les Précieuses ridicules, Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin (le quiz est terminé, merci bonsoir).

Comment ? En faisant croire que son œuvre est inspirée directement de rencontres fortuites faites dans sa jeunesse. En fait, on ne sait pas grand-chose d'une période de la vie du grand homme, et monsieur l'habile réalisateur s'est donc simplement dit : "Tiens, et si j'inventais un truc bien lourd, bien indigeste, et bien cousu de fil blanc pour y remédier, et le tout sans évidemment que le spectateur ne s'en doute ?"

Romain Duris est encore pire que d'habitude, le XX° siècle lui colle à la peau, et les acteurs de la troupe du dramaturge sont incroyablement mauvais, ce qui est quand-même un comble quand on sait qu'ils étaient censés être les meilleurs de leur temps...

Le seul point intéressant dans ce mauvais Lagarde et Michard est que l'on nous rappelle que Molière, effectivement grand admirateur de Corneille et Racine, voulait vraiment à l'origine écrire et jouer des tragédies. Le succès ne fut pas au rendez-vous, la comédie était son destin.

La langue de Molière s'emploie donc à faire rire les honnêtes gens, mais c'est une curieuse entreprise que d'avoir voulu, comme dans le cas de Monsieur Tirard le fanfaron, la réduire à cette mauvaise farce.


Les femmes sont plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps.

Bien dit JB !