C’est en voyant Mommy qu’on sait pourquoi on aime Dolan. Parce qu’on tient ici son meilleur film depuis Laurence Anyways, en pratiquement aussi long hélas, mais en plus vif, avec un peu moins cette impression de longueur. En premier lieu parce que Mommy tente de se défaire de cette étiquette gay jusqu’ici apposée sur la filmo de Dolan, devenant son premier film qui s’aventure en dehors des plates bandes (Laurence marquait lui aussi l’écart pour souligner sa compréhension du travestissement (et non de la transsexualité)). On retrouve aussi le petit élève de Collège boy, autrement plus crédible dans la peau d’une petite brute que du martyr gratuit. Dolan a aussi conservé sa principale qualité, à savoir cette sensibilité si particulière dont il fait preuve. Celle qui provoque chez certains des irritations et des envies de coller des baffes (J’ai tué ma mère en a fait les frais), mais qui créent aussi de purs moments de cinéma à partir de rien, ou si peu. Sous la caméra de Dolan, un jeune kéké écoutant du rap sur un longbard devient lyrique (c’est dans ce genre de plan qu’on sent l’influence de Gus Van Sant), une simple digression onirique devient une virtuose sensation de vie… Le cinéma de Dolan est habité d’une fougue communicative, et c’est ce qui aura fait craquer le jury à Cannes, ainsi qu’une avalanche de bonnes critiques bien trop pressées de sacraliser le monsieur pour s’arrêter sur ses monumentales tares. Car Mommy a d’énormes défauts aussi. A commencer par son format d’image en 1 :1, soit disant justifié par une volonté de coller les personnages entre eux pour les faire entrer dans le cadre). Attendez le film en dvd, et vous ne verrez plus rien (et la séance coûte le même prix alors qu’on a des mètres carrés d’image en moins). Et ceci est un simple détail illustrant le gros problème de Dolan. Notre petit canadien n’est pas encore assez mature pour passer enfin à plus de 6/10. Il a une sensibilité qui lui est propre, un certain sens du cinéma, mais il est têtu et résolu à toujours faire ses films à sa manière. Or, il fait trop durer ses séquences (une conversation entre Diane et Kaly qui n’en finit plus, des séquences muettes inutiles (les photos du père) ou trop longues (la digression onirique de la mère qui devient floue pendant deux bonnes minutes)), parce qu’il a des jolis plans et qu’il ne veut pas les couper. Il ne développe pas assez ses scénarios pour faire véritablement éclater ses sentiments (l’annonce de la lettre de procès aurait dû être remise à bien plus tard, il aurait fallu condenser les évènements malheureux de la fin qui s’étalent, zapper la partie internement, jouer sur un trop-plein d’émotions, et la famille de Kaly, qu’elle abandonne au profit de ses nouveaux amis, aurait clairement dû se manifester davantage). C’est ça qui limite Dolan. Mais il ne change rien, et poursuit son parcours. Avec un peu de chance, il finira par s’en rendre compte et peaufinera davantage les scénars de ses projets, mais pour l’instant, il est un peu bloqué. Une avalanche d’effets de style, une belle photographie et une BO enflammée ne font pas tout, Xavier…
Voracinéphile
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le 18 oct. 2014

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