On ne peut pas dire qu'un tel film comme Mommy, de Xavier Dolan, laisse de marbre. Ce qu'on peut dire cependant, c'est que j'en suis ressortie dubitative, perplexe, partagée, avec un flot de beauté dans la tête. Mais une attente qui n'était pas celle dont j'espérais.
Une attente qui n'était pas celle de l'emballement immédiat, du coup de cœur évident.
Alors que dire ?
Que dire d'un tel film d'un génie de seulement 25 ans, rendu avec Mommy à son cinquième film, ayant commencé à l'âge de 19 ans, avec son tout premier film J'ai tué ma mère.
C'est qu'on en parle de Xavier Dolan. C'est qu'il apparaît au mois d'octobre sur toutes les couvertures, de Têtu aux Cahiers du cinéma, jusqu'au Figaro.
Que dire sur ce film si ce n'est son esthétique d'une grandiose beauté, celle que l'on connaît et qui figure dans tous les précédents film du jeune québécois. Cette esthétique aux couleurs pop, à l'ambiance pop, aux flous qui valsent et s’entre-valsent, d'une beauté chancelante.
Que dire sinon que le format du film, un carré rien de plus carré, dérange affreusement, réduit l'esthétique au néant, amincit la beauté au lieu de la sublimer en plein écran, comme le fait si bien le cinéma ?
Que dire d'autre sinon que le jeu des acteurs impressionne de bouts bouts, surtout le personnage de Steve qui crève l'écran, d'originalité, d'humour, de violence, d'émotions ? Que dire sinon que les personnages, les acteurs, dégagent une personnalité hors du commun, qui est presque de l'ordre de l'intime.
Que dire de Xavier Dolan et de son acharnement à filmer encore et toujours le vulgaire, le kitch, le pop, le ringard, la surface lisse et brillante des êtres, le monde coloré à paillette ornées d'or, où il n'y a que les apparences qui crèvent le monde. Et que dire sinon que cela fonctionne incroyablement bien ?
Que dire d'autre sinon que Xavier Dolan est monté d'un cran. Qu'il a su concorder le pop à la noirceur des sentiments, le lisse au noir, la couleur à la gravité des êtres : l'alchimie de Tom à la ferme avec Laurence Anyway. Et ça fonctionne comme une parfaite partition.
Que dire sinon que l'esthétique, à force d'être intensément belle, devient à de rares fois trop lisse, trop parfaite.
Que dire sinon que Xavier Dolan s'échine à enlaidir parfois trop les visages, les filmant en train de faire des grimaces, en gros plans.
Que dire sinon que les choix musicaux et les images ne trouvent parfois pas leur comptent à être ensemble. Que la vitesse est parfois trop présente, que la lenteur n'a pas assez sa place, que les plans s’enchaînent parfois sans faire de pause.
Que la gravité, l'intelligence, la névrose du récit brille de plein fouet.
Qu'il manque ces plans beaux et simples, qu'il y avait dans J'ai tué ma mère et Les amours imaginaires, intensément courts qui changent au même rythme que la musique, comme si l'on appuyait sur le bouton de l'appareil photo.
Qu'il manque de ses très beaux plans aux ralentis qui filment les nuques, les personnages de dos qui marchent comme dans Elephant de Gus Van Sant.
Que dire sinon que Xavier Dolan, encore et toujours, est obnubilé par l'image de la mère, et ici prend une proportion presque malsaine.
Que dire sinon que les choix de la musique ne sont pas aussi bien que dans les précédant films ?
Que l'émotion est parfois perdue dans le flot d'une musique ringarde ?
Que je ne trouve pas étonnant que ce film est reçu le prix du jury à Cannes, si on le compare à l'entière filmographie du réalisateur, même si je préfère intensément Laurence Anyway à Mommy.
Même si J'ai tué ma mère et Les amours imaginaires m'ont immédiatement séduits dans leur entièreté.
Même si Mommy est le premier des films de Xavier Dolan a m'avoir laissée dubitative, si l'on ne parle pas de Tom à la ferme qui m'a profondément déçue.
Que dire sinon qu'il faut absolument découvrir cet incroyable réalisateur, qu'il faut d'abord vous jeter sur Laurence Anyway, Les amours imaginaires et J'ai tué ma mère avant d'aller voir Mommy. Qu'il ne faut jamais voir Tom à la ferme, si ce n'ai que pour le rôle merveilleux de Xavier Dolan et sa perruque blonde. Que ce mec est un génie.