Mommy, de Xavier Dolan est un film bien particulier. Pour commencer, je dois bien vous avouer que je ne me sentais pas, mais alors pas du tout, attiré par ce film. La thématique de la mère, l'enfant hyperactif, hyper sensible et probablement surdoué, le tout sur fond de cinéma social... Franchement, non.
De plus, pour ma défense, je dirai que Mommy n'a pas été très bien vendu, toutes les images sur lesquelles j'étais tombé avant de le voir en entier transpiraient le cinéma vérité aux plans interminables et à la photographie brut de décoffrage. Sans compter la déferlante "Dolan" sur le net qui avait achevé de me rebuter (parce-que oui, je suis ce genre d'individus bien pénible).


Et puis finalement, lors d'une longue nuit d'été, je me suis décidé. Première surprise, le montage et les plans sont assez dynamiques. Et puis il y a ce personnage de mère vulgaire qui n'a de cesse de mâcher son chewing-gum, ce personnage qu'on croise et qu'on juge lorsqu'on le voit dans la rue. Lors de sa première scène de dialogue, elle assume merveilleusement bien son cliché, elle est aussi désagréable que fun à suivre. On lui explique qu'elle doit récupérer son fils incontrôlable parce qu'il a mit le feu à l'institution qui le "soignait".
Le "gars" aussi assume parfaitement bien son cliché. Il bouge tout le temps, parle mal et fort, il n'a aucune limite quant à la démonstration de ses émotions, son père est mort, il aime le cannabis etc.. Bref, cliché de mauvaise mère et cliché de mauvais fils se réunissent pour former le cliché de la famille dysfonctionnelle... Et le duo marche juste super bien. De voir ces deux êtres humains s'insulter pour un rien, de voir cet adolescent taré naviguer d'un état extrême à l'autre sans transition ni modération, c'est assez jouissif. Rapidement, on se prend d'affection pour eux et on comprend que ce cliché n'est qu'une surface. En effet, Steve aime sa mère sans condition, manquant d’inhibitions, il frôle même l'inceste par moments. Diana, quant à elle, galère à tous les niveaux mais elle s'acharne réellement à trouver un équilibre pour éduquer correctement son fils tout en gérant ses problèmes.


Diana n'a aucun voile concernant son fils. Elle ne minimise pas ses problèmes. Elle sait parfaitement que c'est une tête de con et une véritable bombe à retardement, pourtant, elle fait tout pour garder son calme et lui donner sa chance dans la vie... C'est assez beau.


Concernant la mise en scène, Xavier Dolan m'a posé un sacré problème : Le choix du format de l'image en 4/3, la caméra un peu tremblotante au début et les engueulades à répétition des personnages sur fond de folie ("douce") ambiante... J'ai eu l'impression de voir un Confessions Intimes. Un excellent Confessions Intimes, genre un Confessions Intimes nominés aux Oscars... Mais je dois bien avouer que ça m'a fait un peu bizarre, surtout que ce format apporte aussi un problème de lisibilité sur de (très très très) rares plans. 

Et maintenant, l'écriture. Alors, tout le monde, critiques et spectateurs se sont accordé sur le fait que les dialogues sont "vrais". Et ils ont raison puisque chaque phrase est prononcée avec le bon ton, les bons mots et les problématiques s’effacent sans devenir transparentes pour autant. C'est à dire que notre petit Xavier Dolan a une idée bien précise en tête, qui est de faire le tour sur la problématique de l'amour mère-fils et fils-mère. Et il le fait. D'ailleurs, à la fin, il soulève (peut-être involontairement) un paradoxe lourd de sens vis-à-vis de la mère, qui a tellement "d'espoir" concernant son enfant que c'en devient de la pure idéalisation.


Un truc quand même m'a posé un soucis, c'est la structure narrative de Mommy, qui, quand on y regarde de près est une pure architecture de comédie romantique.


Avec, la rencontre difficile, la relation dysfonctionnelle jusqu'au point de rapprochement entre les personnages, l'idylle, la rédemption, la rechute, la séparation et l'espoir à la fin.


Il y a aussi le personnage de la voisine, qui, bien qu'utile au récit me gène. Elle sert de point d'encrage pour nos deux tarés et les aide à réellement se rapprocher mais, déjà, elle finit par réellement sentir la pièce rapportée et, je peux pas m’empêcher de penser que le propos de Dolan serait encore plus pertinent si nos deux personnages n'avaient pas à passer par un intermédiaire pour se retrouver progressivement.


Mais voilà, les deux derniers paragraphes, c'était surtout du pinaillage. Je vous conseille Mommy si vous n'avez pas encore franchit le pas. Je sais pas s'il mérite autant sa réputation de chef d’œuvre, mais on a quand même droit à un film honnête, franc, vrai, avec quelques passages très forts et chargés en émotions, le tout porté par un accent très attachant.

GrenKopun
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le 10 juil. 2015

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GrenKopun

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