Thérapie de choc

˗ Bonjour Madame.

˗ Bonjour docteur, merci de me venir aussi vite, surtout un samedi après-midi. Vous savez, il m'inquiète de plus en plus...

˗ Que se passe-t-il cette fois ?

˗ Et bien... Vous n'allez pas le croire... Et c'est un peu... Embarrassant.

˗ Je suis prêt à tout entendre.

˗ Il a voulu voir une comédie française...

˗ NON !

˗ Si.

˗ C'est plus grave que je ne le croyais alors. RAID Dingue et A Bras Ouverts ne lui ont pas suffit ? Il était déjà dans un état grave après ses deux dernières tentatives. Il est passé à deux doigts du pire...

˗ Oui docteur, il a failli perdre la vue. Par ma faute. Parce que je l'ai obligé. Je n'avais pas conscience du risque à l'époque.

˗ Hmm...

˗ Mais là, c'est différent... Figurez-vous que la bande annonce l'avait faire rire. Ca fait longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Rendez-vous compte : il VOULAIT le voir ! Même la moyenne du film sur son site ne l'a pas dissuadé. Il mourait d'envie de voir un ado à tête de crétin se faire malmener par ses parents, rapport à la pluie de baffes qu'il se prend à un moment. Il a ri aux éclats. Je me suis inquiétée et je me suis tournée vers lui. Un rire sadique s'échappait de sa gorge. Cela fait très longtemps que je ne l'avais pas vu comme ça.

˗ C'est vrai que rire de bon coeur devant une comédie française devient une chose très rare.

˗ Encore plus inquiétant, docteur, il s'est ensuite penché vers moi pour m'avouer que, parce que c'était très bête et méchant, c'était fendard de voir un gamin en prendre plein la gueule et se faire pourrir par ses géniteurs qui croient bien faire... Et que c'était bien partie pour qu'il mette 7 sur son site.

˗ NON ! C'est préoccupant, en effet. Pour lui et pour son nombre d'abonnés qui risque de chuter dangereusement...

˗ Je le voyais presque jubiler sur son siège à chaque baffe qu'il se prenait, le morveux. Enfin une comédie grinçante qui ne trahissait pas son pitch, me murmurait-il.

˗ Hmm...

˗ Mais, à mesure que le film avançait, j'ai vu sa tête changer,à mon Behind. Les yeux derrière le masque ont peu à peu cesser de briller. Il rigolait de moins en moins. Car le film commençait à dérailler, inexplicablement, alors qu'il tenait un sujet en or. Au début, il était intrigué, Behind, car renverser les perspectives et en profiter pour interroger sur les fondations d'un couple, ça le bottait. Comme le dessin des perceptions masculines et féminines, diamétralement opposée.

˗ Mais...

˗ Bin, le film en profite pour dérailler méchamment. Plus drôle, lourdement crétin, avec comme sommet un fight autour d'un mixer totalement what the fuck, comme si le scénariste n'en avait plus rien à carrer de ce qu'il racontait. Comme dans une comédie française, quoi. Et depuis, il reste prostré. Il pleure et il gémit. Et à intervalles réguliers, il hurle des Pourquoi ??? déchirants et des Quels gâchis !!!! entre deux hoquets.

˗ Ils se sont donc juré de le couler, le genre comédie, en France.

˗ Mais je m'en fous de la comédie française ! Vous allez le guérir, mon Behind ?

˗ Je crains qu'il n'y ait pas grand chose à faire, malheureusement... Comme lors d'une déception amoureuse.

˗ Vous allez donc le laisser s'enfoncer jusqu'au suicide ? Mais vous êtes malade !

˗ Non. Calmez vous. Ce ne sera qu'une question de temps, rassurez-vous. Veillez seulement à ce qu'il ne soit plus en contact avec l'objet de sa déception. Eloignez-le des salles de cinéma passant ce genre de choses. Et surtout, il ne faut plus qu'il regarde ces bandes annonces mensongères et traitresses. Je peux le voir ?

˗ Il est sur le canapé, dans la pièce à côté.

˗ Behind ?

˗ (Entre deux sanglots) Oui ?

˗ Répétez après moi : ces bandes annonces sont des putes mensongères et traitresses.

˗ Ces... Ces bandes annonces sont toutes... Des putes... Mensongères et traitresses.

˗ Et la comédie française est une salope.

˗ La comédie française est une grosse salope... Eeeeuuuuaaaahhh !!! (Il pleure).

˗ C'est un premier pas, mais le chemin sera long. Courage.

˗ Merci docteur.

Behind_the_Mask, totalement effondré.