Céline Sallette ou Grégory Gadebois au casting et vous avez déjà la certitude de vous plonger dans quelque chose de beau. Et ce film, au titre si merveilleux, est encore plus que beau : c'est un miracle. Et de miracles, il sera presque question d'ailleurs dans cette histoire de guérisseur, de voyant, d'ange gardien - chacun se fera son idée.


Dans la lumière dorée chère à François Dupeyron, sur un terrain de camping planté de mobiles-homes, nous rencontrons Frédi et son père (formidable Darroussin) : la mère vient de mourir, elle qui soignait par les mains tant de corps blessés. C'est son fils qui a hérité de ce don, mais il ne veut pas en entendre parler pour le moment - le maître vient quand l'élève est prêt. La vie se charge toujours de nous rappeler à la mission que nous devons remplir ici-bas : à la faveur d'un terrible accident, Frédi va comprendre que ses talents peuvent juguler douleur et détresse. Individu profondément altruiste, qui vit davantage pour les autres que pour lui-même, Frédi n'est pourtant pas un homme heureux.


Lui manque l'amour, une femme qui l'attend chez lui, des caresses, un corps et des baisers. Ses compétences mystiques, magiques se répandent bien vite comme une traînée de poudre et c'est bientôt des dizaines de personnes désespérées qui se succèdent dans son étroit salon. On croirait un ostéopathe au travail, mais s'il est question de manipulation qui délassent et réparent (comme dans le somptueux film d'Ounie Lecomte, dans lequel on retrouve Céline Sallette), il s'agit davantage d'écoute, d'empathie, de bienveillance - d'amour en somme, celui qui panse, guérit, console.


Entre ses potes de bar et leurs histoires conjugales compliquées, son père qui s'interroge sur le sens de sa vie maintenant qu'il est veuf et ses propres crises d'épilepsie, Frédi cherche sa route, en quête de sérénité. On ne peut que s'éprendre de, s'attacher à ce grand nounours sensible, bourru au cœur tendre, homme de peu de mots aux regards bouleversants et sourires rares.


Il croise bientôt la route de Nina. Et il faut dire quelques mots de la prodigieuse interprétation de Céline Sallette qui, pour moi, mérite une pluie d'Oscars et de Césars. Elle incarne une jeune femme alcoolique, paumée, mélancolique, à jamais égarée dans un chagrin d'amour pas cicatrisé, jamais remise de cette rupture d'avec un peintre qui l'aimait et la regardait comme personne. Elle raconte tout ça à Frédi, avec des mots si vrais si beaux, qu'il se prend d'amour pour elle et le lui avoue dans une scène magnifique, avec une pudeur et une grâce infinies. Elle ne veut pas aller mieux, il veut être là pour elle et guérir son âme afin qu'elle soigne la sienne, celle d'un d'homme blessé. Ils vont tous deux nous livrer un face-à-face bouleversant et tisser une histoire d'amour parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de voir au cinéma.


Ce que ce film humaniste dit du besoin de transcendance et d'espoir, du besoin d'amour de l'être humain (à la base de tous nos comportements, motif de toutes nos actions) est d'une profondeur sans pareille : sans prosélytisme, sans bons sentiments, avec une compassion absolue qui ne tombe jamais dans le sentimentalisme, François Dupeyron nous transporte dans un monde où les anges gardiens nous entourent et nous protègent. Où tout finit par rentrer dans l'ordre par la grâce de la fraternité.


Porté par des acteurs au sommet de leur talent, qui mériteraient tous de rafler les plus belles récompenses du 7ème art, Mon âme par toi guérie est un de ces chefs d'oeuvre qui marquent à jamais par la puissance de leur réflexion, la beauté de leur image et de leur bande-originale (fabuleuse), et l'intensité de leur histoire.


Merveille absolue.


[Je partage avec vous la chanson de fin, sur fond de mer azur et de moto qui file sur la ligne d'horizon : Protect your hands to give de Roman Reg :
https://romanreg.bandcamp.com/releases#

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le 28 janv. 2017

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