10 ans après LOL, Lisa Azuelos nous raconte la suite de son expérience de mère et femme à travers MON BÉBÉ, un film qui traite avec humour et tendresse de ce moment précis où le dernier enfant quitte le nid.


Héloïse (Sandrine Kiberlain) a élevé trois enfants auxquels elle s’est entièrement consacrée après son divorce, donnant tout ce qu’elle pouvait en mettant largement de côté sa vie amoureuse. Alors quand Jade (Thaïs Alessandrin), sa petite dernière, son « bébé » , s’apprête à quitter non seulement la maison mais carrément le pays pour étudier au Canada, c’est l’angoisse. Héloïse est partagée entre son plaisir de la garder près d’elle, sa peur de la solitude, et son désir de rendre sa fille heureuse. Nostalgique, elle se met à tout filmer du matin au soir en s’imaginant que ces souvenirs la consoleront un peu du manque après le départ.


Grand Prix du Festival de l’Alpe d’Huez 2019 (qui récompense les comédies), MON BÉBÉ, est à l’image de sa réalisatrice qui ne cesse de s’inspirer de sa vie privée pour écrire ses films afin de s’adresser à toutes celles et ceux qui vivent les mêmes étapes de la vie et de les rassurer. Pas de scénario à suspense ou rebondissements multiples dans cette affaire-là, juste une tranche de vie qui s’étale comme une tartine de Nutella, avec beaucoup d’amour et de générosité.


La capture des sentiments qui se jouent au moment où, après avoir été envahie par un ou des enfants criant, chantant et parfois gonflant aussi il faut bien l’avouer, la maison se retrouve bien vide et trop silencieuse. Avec beaucoup de justesse et une magnifique lumière enveloppante qui caresse et réconforte, Lisa Azuelos dépeint l’appréhension de « l’après », ce petit deuil de la vie de famille que les parents s’apprêtent à vivre, seuls ou en couple. Thème universel et pourtant rarement traité à l’écran, si ce n’est en filigrane dans Boyhood de Richard Linklater.



À travers les petits riens qui font le quotidien, à travers
l’ordinaire, Lisa Azuelos filme l’amour que l’on donne naturellement à
ses enfants, sans se poser de questions.



Puisque MON BÉBÉ s’inspire largement de son histoire, la réalisatrice a choisi sa fille Thais Alessandrin pour interpréter son propre rôle. Elle apparaissait de même dans Une Rencontre, et dans LOL, qui parlait cette fois du moment où l’aînée entrait dans l’adolescence et que les rapports mère-fille étaient en pleine mutation, avec son lot d’incompréhensions, de malaises et de maladresses. Ici au contraire, on ressent à travers chaque scène toute la complicité, la sincérité et le naturel de leur relation, jusqu’aux répliques qui sentent tant le vécu qu’on ne peut s’empêcher d’en rire ou sourire.


À l’instar de LOL, Lisa Azuelos, en laissant beaucoup de liberté à ses comédiens, parvient une nouvelle fois à saisir l’air du temps, à imprimer les codes de l’époque, tant en ce qui concerne les ados que les adultes. En dressant ainsi le portrait des rapports intergénérationnels d’aujourd’hui, elle permet à chaque femme de s’identifier quel que soit son âge : la jeune adulte qui culpabilise un peu de laisser sa mère toute seule mais qui meurt d’envie de couper le cordon, et la plus âgée qui se projette ou qui a déjà vécu ça.


Par ailleurs, si le thème est tout public, on peut dire que le casting cinq étoiles ultra hétéroclite l’est aussi. Parmi les seconds rôles, on retrouve ainsi pèle-mêle de brèves apparitions de : Arnaud Valois (120 Battements par minute), Kyan Khojandi, Yvan Attal, Patrick Chesnay mais aussi Naidra Ayadi, ou Florence Viala de la Comédie Française. De même, la réalisatrice a toujours eu du flaire pour dénicher les jeunes talents, il n’y a qu’à regarder le casting de LOL pour s’en convaincre : Christa Théret, Pierre Niney, Felix Moati et même en cherchant bien parmi les figurants Kev Adams ! Cette fois, elle ouvre la porte à Camille Claris, Victor Belmondo et Mickael Lumière, petite perle du film qui porte bien son nom et qui confirme le penchant de la réalisatrice pour les grands chevelus.


En revanche, si les seconds rôles sont moins riches que dans ses films précédents, c’est sans doute pour mettre à l’honneur le personnage de la mère et la relation fusionnelle qu’elle entretient avec ses enfants. Un tendre portrait de femme génialement interprété par une Sandrine Kiberlain dans tous ses états, qui nous fait tour à tour rire et pleurer (ce qui lui a d’ailleurs valu le prix d’interprétation féminine au Festival de l’Alpe d’Huez).


Mais surtout, ce que Lisa Azuelos, réalisatrice très engagée, ambitionne dans la vie comme à l’écran, de Comme t’y es belle, au merveilleux Dalida en passant par Yolove (son documentaire sur le harcèlement scolaire), c’est de soutenir les femmes dans toutes les étapes de leur vie, et sans mépriser celles qui paraissent « banales ». Qu’il s’agisse des violences faites aux femmes ou de l’éducation des jeunes filles pour lesquelles elle se bat à travers des associations, aussi bien que de la dictature sociale du physique, de la souffrance de ne pas avoir d’enfant, des tromperies blessantes du conjoint, et surtout du manque d’estime de soi, la dame de cœur, telle qu’on pourrait la surnommer, s’efforce toujours de rassurer et de déculpabiliser les femmes.


C’est ainsi qu’à travers les petits riens qui font le quotidien, à travers l’ordinaire, Lisa Azuelos filme l’amour que l’on donne naturellement à ses enfants, sans se poser de questions et parfois même sans s’en rendre compte : lorsque l’on s’inquiète pour eux, lorsqu’on les aide à faire leurs devoirs, lorsque l’on met sa vie amoureuse entre parenthèses pour tout leur donner, lorsqu’on les laisse prendre leur envol… MON BÉBÉ vient nous souffler avec bienveillance qu’en dépit des erreurs que l’on fait tous, en dépit de nos imperfections, des moments où l’on rêverait qu’ils nous lâchent un peu, et des coups de gueules que l’on regrette aussitôt, il faut être fiers de tout ce qu’on leur a donné de façon inconditionnelle. Parce que même si nos enfants nous donnent parfois l’impression d’être ingrats, si l’on a réussi, à force de patience et d’amour, à leur donner l’essentiel que sont des racines et des ailes, le pari est gagné…


Stéphanie Ayache


https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/mon-bebe-quand-loiseau-quitte-son-nid-critique-874823/

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le 12 mars 2019

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