Dès la première scène, le film produit une étrange impression : différentes voix se font entendre et des propos s’amassent, jusqu’à nous marteler d’informations. Mais pourquoi nous raconte-t-on toutes ces choses ? Tout cela semble n’avoir ni queue ni tête et éveille naturellement notre curiosité. 
Tout au long du film, nous voyons 3 personnages vieillir et tracer leur chemin. Jean LE GALL, né en 1929 en Bretagne dans un milieu bourgeois, est un homme ambitieux qui embrasse une carrière politique, tout en restant très attaché à son île natale. Janine GARNIER est née en 1948, à Paris, et est la fille de modestes militants communistes. Né en 1941, René RAGUENEAU est le fils de paysans angevins. Janine et René vont véritablement s’émanciper de leur milieu et quitter définitivement leurs racines : l’une devient comédienne puis conseillère dans un grand groupe de textile ; l’autre intègre ce même groupe et gravit les échelons un à un.
On comprend que la figure de l’Oncle d’Amérique revêt des rôles différents selon les personnages. Chez Jean, elle est assez explicite, puisqu’il s’agirait d’un membre de sa famille qui serait parti vivre en Amérique et qui pourrait l’aider à connaître l’emplacement d’un trésor enterré sur son île. Mais, chez les autres, il s’agirait plus d’un espoir, d’un miracle qui leur permettrait de résoudre leurs problèmes et de s’évader de leur quotidien.
Le réalisateur a pour ambition de nous éclairer sur le comportement des personnages en réalisant des parallèles avec des expériences sur des rats. Ces expériences ont nourri la pensée du sociobiologiste LABORIT et offrent de nombreuses réflexions sur les comportements humains : **« Ce qui est facile pour un rat en cage est beaucoup plus difficile pour un homme en société ».** Bien que plein de vérités, ce film laisse trop de place aux éclairages du professeur LABORIT à mon goût. Je ne vois aucun problème à ce qu’une discipline scientifique vienne nous instruire dans un film. Or, ici, je trouve que les interventions scientifiques sont trop nombreuses et longues jusqu'à en devenir pompeuses.
Je m’attendais à voir un film instructif mais je ne m’attendais pas à assister à un cours entier de biologie et d’anthropologie. L’histoire est délaissée jusqu’à nous laisser complètement sur notre faim.

Ainsi, on ne sait rien de ce que devient René après sa tentative de suicide. Décide-t-il de quitter son emploi à Cholet, responsable de ses malheurs, pour retourner à Roubaix auprès de sa femme et de ses filles ? Quelle est l’issue de la querelle musclée entre Jean et Janine ?


On ne sort jamais du cadre imposé par les expériences sur les rats et on se sent presque enfermé dans une réalité conditionnée.


Le film semble tellement vouloir coller à la réalité qu’il en devient réducteur. Le quotidien des personnages se résume exclusivement à eux, leur travail et leur famille : rien d’autre. On ne les voit pratiquement jamais dans d’autres circonstances. Sur les 3 personnages, je n’ai réussi à m’attacher qu’à un seul : René RAGUENEAU. On éprouve de la compassion pour ce père de famille qui voue une loyauté sans faille à une seule et même entreprise 

qui n’hésitera pas à l’envoyer à 600 km de chez lui et à le virer s’il refuse sa promotion


. Jean et Janine réussissent un temps mais connaissent des retours de flamme. Janine détruit le couple formé par Jean et Arlette puis le quitte, avant de revenir vers lui, comme si son bonheur ne dépendait de rien sinon de Jean. Le haut fonctionnaire, lui, devient une personnalité politique. Mais, son ascension est suivi de sa dégringolade car personne ne ressent de scrupules à l’idée de le remplacer quand il devient gênant. Finalement, René subit son sort et Janine s’est laissé vivre. Sa période mondaine terminée, Jean se retire dans sa Bretagne natale et retourne aux sources aux côtés de sa femme et de ses enfants.


Je n’ai pas été convaincue par la juxtaposition des scènes d’expérimentation sur les rats et des scènes de concrétisation par les personnages. Les scènes d’explications plutôt longues ne laissent aucune surprise quant au sort des personnages qui finalement, à l’exception de René, tournent en rond. Janine, a commencé sa vie de jeune femme seule, après avoir quitté sa famille, et la terminera seule, sans Jean. Ce dernier, lui, quitte sa Bretagne, puis sa femme mais retournera dans les bras d’Arlette et finira par se retirer sur son île. Une zone d’ombre demeure autour du devenir de René mais c’est bien la seule. 
En conclusion, je ne suis pas étonnée que ce film ait eu du succès qui est justifié par son originalité et sa volonté de nous instruire. Mais je trouve que l’opinion dominante du film est dépassée et elle ne me convainc pas.
Claragrafe
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le 17 juin 2020

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