"Mon voisin Totoro" : le ravissement de la non-surprise

Il y a certes une certaine fraicheur dans le film de Miyazaki - c'est banal de le dire, concernant un dessin animé tout de même destiné à un public très jeune, en premier lieu. Les thèmes qui ont contribué à asseoir sa popularité mondiale sont déjà bien développés, principalement le rapport etroit entretenu entre les humains et la nature, inhérente à la culture shinto du Japon.
Mais sur le plan dramaturgique pur, si le film est ravissant, il ne contient même pas la violence minimale des contes, cette petite dose de frayeur qui marque l'initiation des enfants ; l'ambiguité qui rend un film passionnant. La cadette des filles, aussi bien avec les bestioles volantes qu'avec l'énorme Totoro, ne montre aucun signe d'effroi à la découverte de ces "monstres".
L'aura des fantômes, moteur de la peur, est d'emblée évacuée. La scène emblématique où Totoro attend avec les petites filles sous la pluie reflète ce manque de mystère, puisque, malgré la différence de taille, filmés frontalement, ils sont en quelque sorte au même niveau.
Chacun entre le monde de l'autre avec la même facilité, comme un couteau entre dans du beurre. Même l'étonnant chat-taxi, avec ses sièges moelleux, ses affichages de destination que l'on va forcément atteindre (comme la recherche de la petite fille), imprime au film la tranquillité de la non-surprise. Le film, avec le faux suspense autour de la santé de la mère, se termine de manière complètement retorse, puisque l'inquiétude était parfaitement illégitime.