Regarder Mon Voisin Totoro, c'est renouer avec notre part d'enfance. Celle qui est restée en notre coeur et qui n'attend qu'une étincelle pour remonter à la surface. On se revoit en train de faire des grimaces aux filles que l'on croise parce que les filles, c'est nul et qu'on est trop timide pour leur parler, même quand elles nous plaisent mais qu'on ne veut pas leur dire.
Regarder Mon Voisin Totoro, c'est tomber sous le charme de la petite Satsuki et être attendri par Mei, animées par un Hayao Miyazaki qui a réussi à immortaliser et à restituer la moindre des attitudes des petites filles vives, exubérantes et espiègles qu'on a envie de prendre dans ses bras.
Regarder Mon Voisin Totoro, c'est ressentir la joie de vivre qui nous habitait quand on avait six ou sept ans, parce que le film est une véritable ode à une enfance insouciante et un peu fantasmée, qui était satisfaite par le goût des choses simples. Une enfance portée par la musique complice, sautillante et coquine d'un Joe Hisaishi éternel.
C'est aussi ressentir une sorte de spiritualité toute japonaise, se recueillir devant des stèles aux esprits pour demander la permission de rester pour s'abriter de la pluie. Et se laisser gagner par le merveilleux. C'est chasser la noiraude devenue reine dans une maison à l'abandon et délabrée. C'est suivre Mei dans ce passage creusé dans le sous-bois pour tomber dans le terrier d'un curieux lapin blanc. Et faire la connaissance d'un géant débonnaire au ventre tout doux et confortable. C'est rire quand il baille, comme Mei, et s'étonner de le rencontrer à un arrêt de bus, avec sa petite feuille en guise de chapeau sur la tête.
C'est aussi se surprendre à écraser une petite larme. Sentir son coeur qui se serre comme celui de Satsuki, à mesure que sa course à la recherche de sa petite soeur lui vide les poumons. C'est aussi éprouver, à nouveau, les contrariétés et les petites disputes à la proportion exagérée, les mauvaises nouvelles qui font imaginer le pire, ainsi que cette volonté, propre à l'enfant, d'aller à la rencontre de l'être cher trop longtemps absent.
Mais surtout, regarder Mon Voisin Totoro, c'est s'émerveiller et s'intriguer devant un chat-bus au sourire très Cheshire et désirer s'asseoir sur ses banquettes pour embarquer dans un voyage à nul autre pareil. C'est avoir envie de faire les trucs les plus fous : du trampoline sur le gros ventre de la peluche ou de s'envoler en sa compagnie tout là haut sur une toupie, un parapluie à la main. C'est avoir envie de se lever en pleine nuit et d'exécuter une danse étrange pour faire pousser les glands que l'on a mis en terre. C'est aussi avoir envie de jouer de l'ocarina sur la plus haute branche d'un camphrier creux sans doute millénaire, et d'embrasser cette nature souveraine, cette campagne tranquille, gourmande et magnifiée.
Parfois, un coup de vent agite les champs. Après avoir vu ce chef d'oeuvre d'un Studio Ghibli au firmament de son art, vous réaliserez qu'il s'agit certainement du chat-bus qui court vers sa destination merveilleuse avec à son bord, un Totoro qui se promène.
Quoi ? Il n'existe pas, le chat-bus ?
Behind_the_Mask, qui dort dans le trou d'un camphrier.
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