Homonymie kafkaienne
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Robert Klein recherche Robert Klein désespérément. Je voulais donner ce titre à ma critique, mais finalement ça faisait trop hommage à Madonna, et c’était un peu maladroit. Car il n’est pas question de pop ou de paillettes ici. D’emblée on est dans la France de Vichy, avec un homme en blouse blanche qui inspecte une femme nue sous toutes les coutures, pour en conclure qu’on ne peut déterminer avec précision son ascendance. Sémite ? Arabe ? Européenne ? Il y a doute. Ensuite on découvre monsieur Klein, marchand de tableau oisif, un requin qui profite clairement de la situation pour s’enrichir. C’est filmé comme un drame domestique, la caméra toujours tout prêt de monsieur Klein, à l’épier, comme pour l’étudier. Et il faut reconnaître que c’est une bête assez curieuse, ce monsieur Klein. Et le vertige commence quand ce monsieur bien rangé se rend compte qu’il existe un autre Robert Klein, juif celui-là, recherché par la police. Un labyrinthe psychologique commence à se construire et se referme peu à peu sur lui, et sur nous aussi, voyeurs impuissants. Peu à peu on est entraîné, et ça devient tellement absurde, qu’on en vient comme Klein à douter de la réalité. L’autre est insaisissable bien qu’on le sent tout proche,mais à chaque fois, il glisse comme une anguille, et c’est un sacré jeu de cache-cache psychologique. Cela donne une science de la mise en scène en ellipse et par situations équivoques interposées. Cet autre Klein, c’est quelqu’un qui usurpe son identité ou pas? C’est un homonyme ? On le saura plus tard. C’est une machination ?On flirte avec le paranormal. Le jeu des autres acteurs, ils sont soit indifférents, soit antagonistes, ça rajoutent au trouble qu’on ressent en voyant le film. La police, la justice harcèlent Klein/Delon qui doit prouver qu’il n’est pas l’autre Klein. Vous êtes juif ?
« On est français depuis Louis XIV dans la famille! », tonne son père à qui il est allé demander les papiers et actes de naissance. Mais les papiers ça prend du temps. Et le filet se resserre inexorablement. Ses biens sont saisis, il enquête (mal) de son côté, retrouve une ex de Klein, cachée sous un faux nom. Il retrouve le chien (?) de Klein, chien qui curieusement, l’adopte immédiatement (?) Il est Klein ou l'autre Klein? Emporté par la vague du destin, la malchance, par la paradoxale absurdité de la situation, nous aussi on se demande si ce deuxième Klein n’est pas une fantasme créé de toutes pièces. Un final dantesque ou Kafkaïen, ça dépend des préférences de chacun, finit par nous achever...Une descente aux enfers inexorable, en forme d’aller simple en train, sans rédemption possible Le gouffre s’ouvre devant lui, et il se précipite dedans comme un pantin vidé de sa substance. Beau et con à la fois. Un final en forme d’impressionnante désintégration du moi. Honnêtement, on se demande pourquoi Delon n’a pas eut le prix à Cannes. Il est excellent, et le mot est faible. Une bonne partie de la charge émotionnelle du film repose sur sa prestation d’acteur, et son image-miroir souvent reflété par un miroir, image qui finira par emporter son personnage en enfer. Impressionnant Joseph Losey qui ne fait pas dans le joli, mais dans le réalisme froid, voire « naturaliste », à la loupe. Pas de jugement, mais une terrible acuité visuelle pour décalquer l’absurdité d’un système, et montrer une vie banale qui bascule soudain. par l’absurdité d’un système bureaucratique, et une vie qui bascule comme par malédiction, dans une chausse-trape insondable. Finalement le seul instant de beauté reste ce tableau qu’il acheté à un juif en cavale, tableau qu’il regarde de temps en temps, et qui ne le quitte jamais.
Ce tableau, peut-être la seule chose qui mérite d’être sauvé après tout.
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Créée
le 3 nov. 2014
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