On ne saurait nier la qualité esthétique de Monsieur Link, nouvelle création du studio Laika qui prouve sa mainmise sur un univers graphique aussi distinguable que de toute beauté. Pourtant s’observe pendant une heure et demie un quelque chose de difficilement exprimable, une carence d’âme qui ne confère aux scènes d’action et d’émotion aucun impact sensible sur le spectateur. Il y a cette froideur dans l’enchaînement logique des séquences qui gangrénait déjà L’Étrange pouvoir de Norman et qui se retrouve ici à l’identique, certainement la signature du réalisateur Chris Butler. De même la dynamique burlesque échoue-t-elle à provoquer le rire, exception faite de quelques réussites locales parmi lesquelles on compte le dîner de yack en tête-à-tête avec une vieille grincheuse et sa poule, ou les moqueries énoncées à l’encontre de la prêtresse des montagnes, cordialement invitée à se rendre chez le coiffeur. C’est dire que plus le film avance, meilleur il devient, mais que le générique de fin arrive lorsque commence véritablement l’attachement aux protagonistes.
Certes le récit est foisonnant de retournements, d’aventures et de détails, certes il propose une déclinaison virtuose de la stop motion en multipliant les lieux et les cultures, mais il n’emporte jamais le spectateur. Car l’art du conteur ne tient pas seulement au récit en tant que tel mais bien à la manière qu’a le conteur de le raconter, de le transmettre à son public. Or à y bien chercher, le film néglige cet aspect pourtant essentiel et gagne en technicité ce qu’il perd en profondeur psychologique : on a l’impression de suivre des personnages extraits des contes de Voltaire, c’est-à-dire dépourvus de psychologie propre – à la place, une conscience philosophique qui va en se raffinant (ou pas). Monsieur Link n’a pourtant pas grand-chose à proposer en matière de réflexion, si ce n’est que la planète doit être protégée, que l’ouverture à autrui saisi dans sa différence fondamentale permet de se découvrir soi-même et de s’épanouir. D’accord, mais rien de neuf sous le soleil. D’autant que ce qui relève du psychologique est le fruit de discours prononcés, mais ne découle jamais du récit lui-même, ni de l’animation.
Pourquoi recourir à la stop motion pour de telles aventures ? La prouesse technique a-t-elle un sens, comme elle pouvait en avoir un dans les productions Aardman (la rusticité des milieux et de leurs personnages étant incarnée par une animation image par image, à l’ancienne dirons-nous) ? Des aventures à l’ancienne, peut-être. Mais à l’ancienne ne veut pas dire désuètes, encore moins ennuyeuses. Et c’est pourtant le sentiment qui prédomine pendant le visionnage de Monsieur Link, sympathique divertissement mais qui n’est que l’ébauche du grand film qu’il aurait dû être.