La grande force de Moon est cette capacité à traiter avec quasi désinvolture de sujets qui sont pourtant non seulement récurrents en littérature et en cinéma, mais aussi complexes, et donnant d'ailleurs souvent lieu à de superbes incohérences.
La bonne idée de Duncan Jones est de s'en affranchir par le biais de la simplicité.
Un casting réduit à sa portion congrue, des décors peu nombreux et épurés mais très poétiques et propres (pas au sens ménage, mais au sens où c'est fait avec goût et sobriété).
Et puis, bien sûr, propre à un huis clos mais aussi et surtout inhérent au nombre restreint d'acteurs, des dialogues qui ne surchargent pas l'espace et permettent de s'imprégner de la dure solitude et de la relative froideur des lieux.
Sam Rockwell porte de fait le film à bout de bras, et on l'en remercie et félicite tant c'est une réussite.

Le propos, sinon par son originalité, impressionne par sa cohérence et sa droiture. Le scénario va au bout de la logique sans s'encombrer de précautions bien-pensantes ou de considérations happy endiques.
C'est finalement tristement crédible, que ce soit le cynisme mercantile de la société X, ou les extrémités auxquelles nos besoins croissants d'énergie peuvent (et probablement vont) nous pousser.
J'applaudis également des deux mains, et de toutes les extrémités possibles d'ailleurs, le grand soin et l'immense respect apporté au comportement du robot de la station, personnifié par la voix désincarnée de Kevin Spacey, qui réussit l'exploit de s'en tenir à la lettre aux préceptes robotiques énoncés par Isaac Asimov, tout en flirtant agréablement avec cette sensation qu'il finit par éprouver de l'empathie pour son bout de viande de compagnon.

Mais que serait tout ceci sans la magnifique bande son de Mansell, qui finit de nous plonger tout entiers dans l'espace, en prise avec ces considérations éthiques et humanistes sur fond de paysages spatiaux tout à fait impressionnants dans leur adéquation de moyens restreints et de puissance évocatrice.
Inutile de verser dans la dithyrambe pour autant, l'ensemble n'est pas dépourvu de quelques longueurs et d'ailleurs la fin se garde bien de sombrer dans un quelconque manichéisme, se contentant de nous montrer les conséquences immédiates des décisions prises par le héros, sans jugement ni développement.
Je serai resté volontairement flou dans cette critique puisque, même si on le découvre relativement tôt, le sujet central constitue malgré tout une petite surprise, a fortiori les problématiques qu'il soulève dans ce contexte et cet environnement particuliers.

Après la très bonne surprise Source Code, Duncan Jones continue de me convaincre que la SF et l'anticipation ont encore des choses à nous montrer.
SeigneurAo
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes On est tellement complices qu'on finit les phrases ensemble, LOL et Films vus en 2013

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le 16 janv. 2013

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SeigneurAo

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