[SPOILERS]


La structure du film promet d'examiner trois étapes, que l'on estimera comme les plus importantes de la vie de Chiron, enfant du ghetto américain en quête de soi.


On devine par la première les difficultés que le garçon, bouc-émissaire dès l'enfance, a traversé dans un milieu où très peu de place est laissée au "lâcher-prise" et à l'expression des émotions (ou il ne fait pas bon être un "faggot"). Cette première ouverture se fera par la figure de Juan, dealer dans la cité mais paternel bienveillant.


La seconde, à travers les remises en question inhérentes à l'adolescence, laisse entrevoir des possibilités d'ouverture, notamment en ce qui concerne la première expérience sexuelle / amoureuse. Cette partie s'achèvera par le coup final de Chiron à son tortionnaire, et sonne le glas d'une révolution individuelle.


S'ouvre alors le troisième acte, des années plus tard. Chiron s'est endurci et a en quelque sorte repris le poste de son mentor Juan. Il dit avoir laissé son passé derrière lui mais décide de retourner voir celui qui lui a accordé son premier (et dernier) contact amoureux.


Ce qui m'a laissé un goût légèrement amer à la sortie de la salle est certainement son rythme. Cela sert plutôt bien les deux premières parties. Il y fait parfois naître des moments de tension, d'autres de contemplation, sans être dans l'excès.
Mais j'ai trouvé la dernière partie interminable. On devine dès le coup de fil de Kevin comment ça va se terminer. La scène du restaurant, de par ses longueurs, ses mouvements de caméra excessivement lents ou les silences rallongés (les deux premiers tiers n'en étant déjà pas avares) , semble se présenter comme la plus importante, celle qui permettra enfin à Chiron de s'accepter. Elle a donc un effet conclusif. Mais c'est comme si l'épilogue d'un roman de 600 pages en faisait 150... D'où le sentiment à la sortie : et c'est tout ? Si ce sont ces passages de sa vie adulte qui ont été retenus, le reste était-il donc sans intérêt ?


Peut-être y a-t-il toute une symbolique (notamment visuelle) qui m'aura échappée et qui fait prendre tout son sens à ce dernier tiers. Mais je dois avouer qu'au delà du ressenti immédiat, j'ai très peu d'imagination et de capacité critique là-dessus, étant davantage réceptif à l'histoire mise en images plutôt qu'à la mise en images de l'histoire. Donc, au delà de cette critique et d'un point de vue global c'était quand même un beau film, filmant son sujet (l'émancipation dans le ghetto, et l'émancipation en général) avec une finesse exemplaire.

Prosperoh
7
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le 5 févr. 2017

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