Découverte, apprentissage, assumation.

J'ai eu très peur d'aller voir ce film, après son oscar, longtemps après sa sortie, peur d'être déçu, bien entendu. Heureusement j'avais entendu aussi beaucoup de critiques négatives, donc j'y suis allé en étant sûr qu'il allait me décevoir ; j'ai été (très) agréablement surpris.


J'avoue que j'ai mis du temps à rentrer dedans (et je pense que c'est ce qui est voulu, notamment par les premières scènes qui donnent le tournis, voire la nausée), et ce n'est qu'en sortant du film que je me suis rendu compte de sa qualité. Subtilement intimiste et d'un réalisme qui ne tombe pas complètement dans le cliché, des acteurs magnifiques, Moonlight m'a finalement convaincu.


Le film est construit en trois parties, qui montrent chacune un passage de la vie du personnage principal (Chiron ou Little ou Black), avec donc un acteur différent à chaque fois (enfant, adolescent, adulte). Là où se trouve la force du film, c'est dans le fait qu'on redécouvre à chaque partie le personnage, et qu'on apprend à le connaître en même temps que lui-même. Au moment où il se comprend, au moment où il se découvre, on passe à la partie suivante, et on recommence en quelque sorte à zéro ; on est plongé directement dans la peau de Chiron.


Chiron : dans la mythologie grec, centaure réputé pour sa sagesse. Il avait de nombreux disciples, dont notamment Héraclès. C'est lui qui découvre l'art de guérir.


Chiron est donc un savant ; c'est lui qui détient la clé du savoir. Si l'on reste dans le contexte de la Grèce antique, on peut citer ce précepte gravé à l'entrée du temple de Delphes : "Connais-toi toi-même". Il détient donc la connaissance de soi, mais il est aussi son propre disciple, et doit accéder à cette connaissance : c'est cette démarche que montre le film ; dans la première partie, il est Little : il découvre le doute, le questionnement sur lui-même. Il découvre aussi la vraie nature de sa mère, une droguée ; on peut dire qu'il découvre sa condition. Fin de la partie de Little. Dans la seconde partie, il est Chiron : il apprend son homosexualité, par une expérience avec son ami d'enfance, qui le trahit par la suite ; Chiron apprend aussi l'intégrité, la fidélité à soi-même. Fin de la partie de Chiron. Dans la troisième partie, il est Black : il sait ce qu'il est (ce qu'il nous fait comprendre dans son dialogue avec Kevin), mieux que ça même, il s'est construit lui-même après son passage en taule. Il finit par assumer son homosexualité. Fin de la partie de Black. Fin du film.


Bref, ces trois parties me semblent très pertinentes, et donc le film dans sa construction. Le défaut du film tiendrait peut-être dans son symbolisme un peu trop américain (au niveau du nom, l'image de la mer, certes touchante, mais à laquelle il manque peut-être un tout petit peu de subtilité), mais le sujet est traité avec une simplicité et un réalisme poignants.


Moonlight, c'est à la fois un film d'amour, un film social, un film philosophique... Un film sur la vie en fin de compte,d'aucuns diront sur le chemin à parcourir vers la paix intérieure, l'harmonie avec soi, la complétude de l'homme.

Lévane
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le 4 mars 2017

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Ragnar Lyndon

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