Bien qu'abordée à l'envers, la filmographie de Wes Anderson est des plus plaisantes, si ce n'est dépaysante, tant le cinéaste semble à part ; entre un penchant avéré pour une mise en scène très esthétique (frisant la symétrie dans The Grand Budapest Hotel), et des univers riches à souhait comme colorés, poétiques, son cinéma transpire une douce folie savoureuse comme pas deux, comparable à une phénoménale bouffée d'air frais.
Moonrise Kingdom, son septième film, ne déroge aucunement à la règle : s'il ne paye pas forcément de mine au premier abord, son atmosphère décalée et son cadre champêtre, parsemé d'une multitudes de protagonistes originaux, témoignent d'une oeuvre typique de l'élégamment fantasque réalisateur.
Récit d'aventures faisant la part belle à l'enfance, l'atmosphère s'en ressent tant le tout sonne comme innocent, sincère même, l'intrigue arborant des enjeux assurément humains ; les thématiques familiales et de l'acceptation sont notamment prépondérantes, tandis que celle de l'amour confère au long-métrage une tonalité merveilleuse s'attirant une inconditionnelle empathie.
Moonrise Kingdom se veut donc très touchant, ce qui n'aurait pas été possible sans un traitement subtil comme décalé de son duo principal, le tandem Sam/Suzy marquant comme il se doit les esprits ; les prestations incroyables des débutants Jared Gilman et Kara Haward n'y sont pas indifférentes, et soulignent d'ailleurs l'apport sans commune mesure d'un casting ni plus ni moins phénoménal.
La jeunesse du film voit ainsi graviter autour d'elle une galerie de personnages secondaires luxueuse (Bill Murray, Bruce Willis, Frances McDormand ou encore Edward Norton), et qui s'inscrit à la perfection dans le cadre atypique de New Penzance, dont elle est à bien des égard une composante fondamentale de sa singularité ; la fonction de narrateur tenu par Bob Balaban offre par ailleurs un regard en totale adéquation avec l'esprit de Moonrise Kingdom, dont le mot d'ordre semble être de marquer sans cesse le caractère unique de l'île et de la population locale... mission accomplie.
Le film de Wes Anderson est de fait particulier à appréhender, et nul doute qu'il saura vous enchanter pour peu que vous adhériez à son contenant loufoque, cadre d'un contenu en l'espèce plus mature, grave ; il subsiste d'ailleurs quelques bizarreries (l'épisode de la plage est très osé soit dit en passant), qui couplées à un rythme en dent de scie (malgré une durée nullement extravagante, le film avoisinant les 90 minutes) sont à même de faire tiquer le spectateur.
Le risque est donc de ne pas se prendre totalement au jeu, mais il convient de louer la tournure comique animant des séquences faussement sérieuses, au service d'un humour jamais imposant ; sous ses allures de conte contemporain des plus originaux, Moonrise Kingdom demeure donc une sacrée découverte, bien que je lui préfère sans hésitation les Fantastic Mr. Fox et Grand Budapest Hotel du même auteur.
Unique en son genre, ce divertissement vaut donc le coup d’œil à bien des égards, à commencer par les performances ahurissantes des jeunots Gilman et Haward.