DANGER : SPOILERS


Le réalisateur américain qui a pour habitude de nous lâcher un film tous les 2-4 ans, ne semble pas remit de son voyage biblique qu'il avait entamé avec l'efficace Noé.


En effet si à première vue, celle de la bande annonce magistrale à la musique délicieusement stridente l'Aronofsky semble vouloir nous balancer dans une folie au fond des enfers, c'est au final une grosse métaphore qu'il nous posera devant les yeux.
C'est sur la route du retour, moi seul dans ma tire, la nuit déjà tombée que je me replace tout dans la tête, et force est de constater qu'en apparence si le film semble au fil des deux heures de plus en plus complexe et perché, il faudra peu de temps pour analyser le tout.


Si l'idée d'un dieu et tout le barda me semble dans la vie réelle impensable, le mot est faible, j'ai tout de même cette attirance dans l'art, quel qu'il soit pour le coté spirituel, biblique.
Ce cher Darren Aronofsky a qui l'on doit le merveilleux et déjà psychologiquement atteint Black Swan nous revient avec un coup de maître, ou nanar pour certains. Que pouvait donner ce Mother ! ? Qu'avait-il à raconter, un simple huis clos psychotique ? Nan... bien plus que ça !


Durant une bonne partie du film, je serais tenté de l’appeler la première, nous sommes dans le brouillard, face à un film anxiogène qui ne nous laisse pas beaucoup de réponses malgré le nombre de questions qu'on se pose. Parfait ! On est dans l'ambiance, collé à la superficielle 'ailleurs', surprenante 'ici' Jennifer Lawrence, muse de tous les plans, si nous ne sommes pas face à elle, nous sommes ses yeux. Darren a visiblement été inspiré par sa compagne à la ville.
Une folie qui se répand dans cette première partie puis arrive la seconde, et dire que j'ai cru que le film en était déjà à sa fin alors que le meilleur n'était pas encore arrivé...
Seconde partie beaucoup plus dingue, et c'est peu dire, où la folie devient maîtresse et où les murs tremblent, pour arriver sur cette métaphore de la vie donc.


Il va de soi qu'à la fin de cette œuvre, peut être grotesque finalement, ce n'est pas mon sentiment, nous ayons eu à faire à l'amour entre dieu et la terre mère, mère nature.
Dieu, cet artiste incompris vit aux côté d'une terre mère, sa femme, sa maison, toute neuve, fraîchement rétablie, il n'en est visiblement pas à son premier essai, ni le dernier. Tout est parfait entre eux jusqu'au jour où l'homme arrive, cet être débarque sur la terre comme une fleur, prenant possession des lieux jusqu'à même rejeter la nature. Plusieurs fois dans le film des personnages répondent d'un air moqueur au personnage de Lawrence quand elle affirme que c'est sa maison : "Ta maison ?". Je savais que ça aurait du sens et bien sûr, l'homme se croit chez lui sur cette planète, elle n'est plus maîtresse d'elle-même.
Alors qu'elle perd pied peu à peu, l'artiste, dieu, lui se sent respecté et enfin aimé, adulé, il en veut plus, toujours plus, alors les hommes débarquent, foutent le bordel, dieu ne comprend pas pourquoi la terre refuse ce partage. La terre pète un câble pendant que dieu lui l'a déjà pété pour de bon. L'homme prend de plus en plus de place, allant jusqu'à détruire ce que la nature a créée, végétaux, animaux, le tout symbolisé par un bébé, bébé déchiqueté et partagé, telles les richesses de la terre extorquées et souillées.
L'humain envahi la terre mère jusqu'à la brutaliser, et la détruire, tout comme il se détruit lui-même, la dernière demi-heure complètement dingue est un reflet pur et simple de l'apocalypse créée par l'homme et le rejet de la nature jusqu'à l'anéantissement total.
Dieu ayant raté une fois de plus son dessein, prend une feuille vierge et recommence.


Métaphore grotesque pour certains comme je le disais et je ne vois pas en quoi, l'art est partout, il peut être amusé, disproportionné et même refait. A mes yeux, Aronofsky réalise ici un film fort qui en un huis clos intimiste dénonce beaucoup de choses et transpose une vision certes divinement fantaisiste mais évoque une humanité pourtant bien réelle.
Darren fait très fort, il broie tout ça sous un cadre oppressé, resserré sur la mère, le point de vue de la nature pour une fois et pas de dieu, il filme sa compagne admirablement. La photographie désaturée et granuleuse à souhait est superbe, renforcent cet aspect papier, cet aspect biblique, ancien. L'ambiance sonore, elle, est dingue, au casque ça doit être un sacré truc, et au cinéma ce fut génial. L’absence de musique est selon moi tout à fait justifiée, bien que j'avais pourtant adoré celle du trailer, car nous suivons la vie, dans la vie, pure, il n'y a pas de musique, les seuls moments où nous en entendons sont ceux où l'homme la met en marche via une chaîne hifi, tout comme dans la vie réelle.


Un film captivant, anxiogène et bluffant, au casting absolument parfait, heureusement que j'ai eu droit à de la vostfr, je n’imagine pas le massacre à la traduction. Jennifer Lawrence tient ici son meilleur rôle et sa meilleure prestation, complètement dévouée à en subir les conséquences hors caméra. Le monstre Javier Bardem n'est même pas à présenter, fabuleux, d'ailleurs la deuxième fois qu'il joue dans un film sans musique après No Country for Old Men.
Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Domhnall Gleeson, Kristen Wiig et tous les autres sont incroyables également.


En bref, le ricain nous revient en forme avec un huis clos intimiste et pourtant aussi large que le monde, prenant et déchirant. Cette histoire d'amour gâchée par l'égo et la surdimension m'aura fait monter les larmes lors de certains moments de tension à tomber. Les trente dernières minutes sont une leçon de cinéma, un enfer visuel et auditif jouissif, j'étais quasiment en transe.
Dur de sortir de la salle...

-MC

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