Le prochain Bond peut attendre ...

Je reconnais être parti avec un a priori négatif avant de voir Mourir peut attendre. Qui s'est malheureusement confirmé post séance.

Je démarre par les nombreux points négatifs du film qui sont plus nombreux :
(1) La durée. Depuis l'excellent Casino Royale (le seul bon(d) Bond de Daniel Craig), les producteurs semblent s'être lancés dans un pari "faisons plus long" pour livrer des films dépassant allègrement les 2h20). Mais "plus c'est long" ne rime pas forcément avec "plus c'est bon" - la preuve ici. Le film aurait duré 1 heure de moins que cela n'aurait rien changé, et lui aurait même permis un rythme plus nerveux avec moins de bavardages répétitifs ou n'apportant pas de réel intérêt à l'histoire.
(2) Le scénario. Je m'étonne du choix artistique des derniers James Bond qui consiste à introduire les "grands méchants" passés 1h00-1h30 de film. Pourquoi recourir à des acteurs reconnus pour ne le présenter qu'au tiers du film ? Pour reprendre Hitchcock, un bon film est avant tout un film avec un bon méchant. Ceci doit expliquer (en partie) pourquoi les derniers Bond ne sont pas de bons films. Ici Rami Malek (par ailleurs plutôt bon acteur) arrive tel un cheveu sur une soupe, amené totalement artificiellement. Résultat : son personnage assez anecdotique manque de substance, son "projet du mal" de cohérence (pour qui ? pourquoi ?) et la prestation d'ensemble n'est que peu mémorable. Même le recours au masque (procédé selon moi toujours très intéressant dans un film - cf. l'excellent Eyes Wide Shut) est très vite relégué au rang de simple accessoire décoratif.
(3) Le casting. Le choix de Léa Seydoux reste surprenant car l'alchimie entre elle et Daniel Craig n'est pas flagrante, et n'égale pas celle entre Vesper Lynd et Bond dans Casino Royale. Lashana Lynch est pour moi une totale erreur de casting (réussissant l'exploit d'être moins sympathique que Craig), jouant mal et essayant d'exister coûte que coûte face au "vrai" 007, Christoph Waltz et son jeu doucereux archi-usé "je sais tout mieux avant tout le monde" fatigue, David Dencik est insupportable, ... Enfin Ralph Fiennes et Ben Whishaw n'ont pour moi jamais réussi à "coller" à l'univers bondien, et la comparaison du premier avec Judi Dench ne lui est pas favorable.
(4) La volonté "artificielle" de créer une mythologie bondienne. Depuis 2006 et Casino Royale les producteurs et scénaristes nous resservent les mêmes recettes : laïus plus ou moins longs sur les traumas de Bond, les trahisons, l'amour déçu, l'emprise mondiale du Spectre (organisation présentée comme ultra-puissante depuis 15 ans mais se faisant infiltrer par 3 agents dont une en talons aiguilles), etc.
Ce film "reyclé" (je fais du neuf avec du vieux), quasiment tourné vers le passé (je ressors Vesper Lynd, les allusions aux méchants précédents, coucou les anciens M affichés dans un couloir), propose un univers somme toute assez creux, hybride (essayant notamment de copier la saga Mission Impossible dans la dynamique de groupe et la mise en avant de personnages jusqu'ici secondaires voire tertiaires), lourd (tout n'est que pleurs, trahisons, douleurs), bavard et pas forcément très crédible.
Pourquoi ne pas revenir à des Bond "one shot" qui pouvait proposer des films à grand spectacle avec de la tension et un minimum de légèreté ?
(5) Enfin la musique du générique d'ouverture : assez fade qui ne suscite pas vraiment l'engouement (quand rien ne va ...).

Je terminerai par quelques points positifs (ça ira vite) :
(1) 2 séquences sympas et novatrices (c'est peu sur 2h44 de film) : la scène où Bond monte l'escalier dans la base avant d'accéder au panneau de contrôle (vraiment top) et la poursuite en mode "survival" dans la forêt norvégienne
(2) Le jeu des actrices : la justesse de Lisa-Dorah Sonnet (pas toujours facile pour un enfant !), la fraîcheur de Ana de Armas (présence badass apportant enfin un peu de légèreté dans cette lourdeur ambiante) et la classe de Naomie Harris (le seul personnage de la "team Craig" qui ait réussi à s'intégrer à l'univers James Bond)
(3) La reconstitution de la base du méchant plutôt sympa
(4) La photographie du film qui offre de belles couleurs.
Tout cela est malheureusement trop peu au regard du "produit" (bonjour les placements du même nom) et de sa durée.

En conclusion, je dirai que le plus triste / dommage dans tout ça est qu'on se f**t plus ou moins de

Cependant, le succès rencontré par ce film laisse penser que la saga Bond continuera. Même si mes attentes persos s'amenuisent progressivement, j'espère que la saga réussira à proposer des films sympas & prenant tour en étant "adultes" et un minimum novateurs (n'en demandons pas trop).

PS : à titre de comparaison, la saga Mission Impossible a bien mieux réussi sa mue et présente sous un aspect plus fun et distrayant (et généralement moins long) les aventures d'agents secrets plus si secrets que ça. Point notable : cette saga a beaucoup mieux su, à mon sens, introduire subtilement des personnages féminins forts et intéressants (Rebeca Ferguson si tu nous lis), sans donner l'impression de céder aux sirènes du politiquement correct pour mieux vivre avec son temps. Le salut cinématographique viendrait-il des agents Américains plutôt que Britanniques ?