Mr. Holmes nous présente le célèbre détective sous un nouveau jour : vieux, la mémoire défaillante et le corps affaibli. Le personnage acerbe et factuel gagne en sympathie et en humanité ce qu'il perd en aura de prestige.
Le film prend place dans la campagne anglaise en 1947, et retrace le combat contre la sénilité qui empêche Holmes d'être conforme à lui-même, et de rechercher la vérité. Hanté par une vieille enquête - sa dernière, celle qui suivit le départ de Watson de Baker Street, et celle qui l'amena à quitter Londres - il court après ses souvenirs afin de refaire le cheminement qui l'a entraîné dans ce cottage.
A travers des séquences relativement lentes, élégantes évocations de la vieillesse et de son lot de pénibilités, on découvre le quotidien de cet illustre aîné - dont la vie est tissée des mensonges de son ancien ami - entre un rucher, ses mémoires, et ses recherches médicales. Quotidien partagé par une gouvernante et son fils, Robert, avec qui se tisse une complicité des plus touchantes. C'est principalement la narration de l'enquête faite au garçon qui sert d'introduction aux analepses. L'évocation du souvenir se fait également par des raccords plastiques : les objets, couleurs, odeurs, sensations, parfois même mouvements, replongent Holmes dans un flashback. Mais, à la manière de la mémoire, le procédé est lacunaire, instable et imprévisible. Chaque retour dans le passé entraîne également une accélération du rythme. Ainsi, il y a une double tension dramatique - la recherche du coupable au sein de l'enquête, et celle de la recherche de la mémoire - qui décroche tout à fait le spectateur du temps qui passe, qui l'égare agréablement dans trois histoires, trois moments de vie du héros.
Dans le même sens, le procédé se double d'un élargissement du cadrage. Le présent est caractérisé par des plans plutôt serrés qui soulignent la vision analytique de Holmes. Le passage vers l'analepse est souvent marqué par un travelling sur un plan plus large : les détails - à l'exception de l'image d'ouverture, souvent symbolique d'ailleurs - sont plutôt flouté, au profit d'un rendu de l'ambiance plus sensible.
De plus, la présence de symboles - discrets mais parlants - renforcent l'effet de recherche, le travail de détective que le spectateur peut partager. A ce titre, il faut s'arrêter sur deux symboles marquant. Le premier, le plus "élémentaire", est souligné dès la première minute du film : la relation abeille-guêpe, confuse pour les humains normaux, mais évidentes pour ceux que la raison éveille, représente le travail acharné au service de la Reine Vérité, que viennent entamer les guêpes tueuses de souvenirs. Le second, plus discret mais présenté remarquablement, apparaît dans un des flashback de l'enquête. Mrs. Munro, femme passionnée à la solitude insondable, et dont il démêle la problématique, souligne la présence à leurs côté d'iris violet, symbole de choc sentimental. Signe annonciateur de la suite s'il en est...
On peut donc souligner la très haute qualité de la réalisation qui offre, au spectateur volontaire, un véritable jeu de sens cachés tout en n'en obscurcissant pas l'intrigue pour ceux qui désirent simplement profiter d'un divertissement. D'un excellent divertissement, car l'interprétation qu'offre Ian McKellen est tout simplement remarquable : sensible, touchante, humaine, et en même temps terriblement proche du mythique héros de Conan Doyle.

YuriDidion
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le 18 août 2017

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Yuri Didion

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