Et si c'était nous qui nous retrouvions dans cette situation? Etre cet enfant qui court à perdre haleine pour rattraper et aller au même rythme qu'un train dans lequel il voit s'éloigner sa mère. Regarder par dessus son épaule: son père qui lui crie de revenir. Cet instant, passage crucial dans la vie d'un enfant, deux choix possibles: rester, regarder le train s'éloigner, sa moitié avec lui. Ou bien saisir la main qui l'attend pour le faire entrer dans le compartiment, et se blottir dans les bras protecteurs, mais en laissant l'autre partie de soi tout aussi importante sur le quai...Cet instant ou un dilème s'impose, cet instant qui laisse l'existence au bord d'une falaise, sur un fil, suspendue au dessus du précipice. Un déséquilibre, tout peu basculer. Tant que ce choix n'est pas fait, tout reste possible. Deux? Plus, une dizaine, une centaine, des milliers de chemins à emprunter, et toutes les vies méritent d'être vécues après tout! Un saut dans le temps, voilà 2092 qui pointe le bout de son nez, et nous sommes avec ce Nemo Nobody, celui qui n'a pas d'identité, qui n'est personne, ce vieillard, 118 ans qui croit qu'il en a 34, dernier mortel d'un monde d'immortels. Il a l'air de ne plus savoir ou il en est et ce qu'il raconte dans ce monde étrange, presque déshumanisé, ces habitants génétiquement modifiés braquent leurs yeux sur lui. Nous plongeons dans les vies réelles ou fantasmées de ce personnage, toutes dotées d'une belle et forte empreinte cinématographique.Un film sur ces vies de doutes amoureux, parfois névrotiques, sur ce mystère qui fait cogner un coeur à vitesse folle devant une personne plutôt qu'une autre, ces vies qui ont découlé d'un acte de décision à l'âge de l'innocence. Un film qui questionne et ne répond pas forcément, de manière succinte du moins, sans se vouloir rassurant. Dire ou ne pas dire la bonne chose au bon moment, entendre ou empêcher les paroles qui blessent, oublier ou reconnaître l'autre. Quelle est la part de hasard dans ces actes? Jusqu'ou sommes nous responsables de ce que nous sommes devenus? Ou est la limite entre la vie et l'imagination, l'une vaut-elle plus que l'autre, l'imagination est-elle une vie à elle toute seule?
Et puis la complexité, c'est un puit sans fond, un gouffre, une arborescence qui s'offre à chacun à presque chaque évenement qui surgit. Les regards se croisent entre le vieillard qui se penche sur son passé et l'enfant qui tente de se projetter, les fils s'emèlent, se démèlent. Le début est assez déroutant, des difficultés à trouver ses repères en tant que spectateur, on nous arrache d'un endroit pour nous faire réatterir dans un autre, on voyage, et très vite on se laisse bercer. Les frontières se brouillent et restent pourtant là, bien présente. Nous marchons donc dans un "labyrinthe sensoriel" On se fait cueillir par l'émotion que dégage chaque scène. La prestation des acteurs est saisissante, pleine de justesse. Un goût évident pour la transformation que manifeste Jared Leto, interprète du héro Mr Nobody, un jeu très interressant et puissant "Moins le personnage lui ressemble, plus il a le sentiment de faire un voyage vers lui, donc de l'incarner au plus près".
Un magnifique travail du réalisateur, qui signe une oeuvre à voir! Ce film fait partie des quelques uns qui m'ont vraiment touchée, qui laissent une trace au fond de soi. Non pas qu'il boulversera l'histoire de ce grand art qu'est le cinéma, mais tout de même, on ne peut qu'aprécier cette sincérité que livre Jaco Van Dormael. Certains critiques y voient des impressions de déjà vu, un manque d'inovation réelle de la part du réalisateur, un certain académisme sur le plan formel . Il est vrai qu'on peut regretter qu'il ne se soit pas plus éloigné de certaines visions un peu "cliché", et le côté peut-être un peu publicitaire de certains passages, mais au final, ce qui compte est l'impact sur celui qui reçoit le film, et la capacité du réalisateur a faire partager l'univers qu'il a construit. Et cet univers: laissez moi vous dire qu'il fonctionne! (sur moi du moins). En rapportant ses impressions du projet, il prétend avoir rarement ressenti un plaisir aussi grand que celui ressenti pour Mr Nobody, marquant son retour au cinéma après 13 ans d'abscence, il n'en faut guère plus. On lui reproche aussi la facilité en ne choisissant pas ce qui est faux ou vrai. Je ne partage absolument pas ces idées, le réalisateur fait preuve d'une grande intelligence en laissant planer le doute, en n'ayant pas de parti pris. Je pense que ces langues dures devraient s'interroger sur ce besoin d'apporter une réponse rationnelle et sclérosante à des oeuvres qui visent le contraire. Ce film est justement sur l'incertitude, c'est montrer son incompréhension du film de vouloir que des réponses claires soient apportées. D'autres y voient aussi des tentatives ratées de reflexion philosophique: eh bien lisez les intervew de cet artiste, et trouvez moi la moindre revendiquation de portée philisophique et dites le moi! En bref un petit chef d'oeuvre !
LéaF1
8
Écrit par

Créée

le 2 août 2011

Critique lue 333 fois

1 j'aime

LéaF1

Écrit par

Critique lue 333 fois

1

D'autres avis sur Mr. Nobody

Mr. Nobody
Blèh
5

Critique de Mr. Nobody par Blèh

A noter que j'ai vraisemblablement vu une version longue (environ 2h40), probablement celle originellement désirée par le réalisateur, forcé de couper son film pour le sortir. Le résultat est mitigé...

le 26 juil. 2010

79 j'aime

19

Mr. Nobody
drélium
5

Inexistance

Je suis sûr que j'aurais adoré ce film il y a 15 ans, le genre de mind fuck SF fashion avec pleins de théories scientifiques universelles comme on les aime qui se mixent en un résultat esthétisant et...

le 20 août 2013

72 j'aime

6

Mr. Nobody
Devotchkaia
8

Critique de Mr. Nobody par Devotchkaia

Bon, mon avis ne peut être que très contradictoire. Je n'ai aucune idée de la note a mettre a ce film. Il a été une torture émotionnelle pendant deux heures et la fin a été un véritable...

le 31 juil. 2010

69 j'aime

10