En l'espace de deux films, Jeff Nichols a su attiser l'intérêt public et critique. C'est avec un goût certain pour le contemplatif qu'il nous entraîne dans ses histoires. Simplicité apparente et force de propos semblent être son credo. Avec Mud, le réalisateur confirme être l'un des réalisateurs américains le plus intéressant de sa génération.

Le film renoue avec une atmosphère très présente dans la fin des années 80. L'amitié improbable dans E.T. ou le récit de formation de Stand by me. Il s'agit de la quête vaine de l'enfant qui fuit autant que possible le monde adulte. Pour certains c'est la cabane dans les arbres (À chacun sa guerre), et pour d'autres comme Ellis et Neckbone c'est un bateau échoué sur une île. Maigre refuge face à un quotidien fait de disputes parentales. Leur escapade va les conduire à Mud (Matthew McConaughey). Les enfants auront du mal à dissiper les mystères entourant ce fugitif comme une seconde peau. Belle ironie lorsqu'on a peur des serpents. Aider Mud à quitter l'île et retrouver son amour de toujours, Juniper (Reese Whiterspoon). Tel sera la quête des enfants.

Les histoires de Nichols viennent s'enraciner profondément dans la culture américaine. La vengeance, la seconde chance, la famille. L'actualité en fait également partie. La paranoïa irrationnelle dans Take Shelter est peut-être un écho de la peur créée par les attentats du 11 septembre. La crise économique est ici encore en toile de fond. L'état veut s'emparer de la maison en bord de fleuve qui est la seule source de revenus du père. Tout comme les promoteurs immobiliers voulaient s'accaparer de la maison des Goonies de Richard Donner. Mais ici les réalités économiques et sociales ne sont pas prétextes aux voyages fantasques, mais au contraire, à la maturation et à l'éducation sentimentale. L'amour est une leçon de vie et non une finalité. Une chose fragile qui se mérite par les épreuves et la souffrance qu'elles supposent. L'apprentissage s'applique aussi bien à Ellis qu'à Mud. De leur rencontre, ils devront apprendre à assumer leurs responsabilités face à un monde qu'ils évitent. Le film porte ces valeurs fondamentales : connaitre l‘amour et le sauver. Ellis avec ses illusions d'enfant, incarne ces désirs.

Nichols tend à éloigner ses personnages de la société ou du moins du social, que se soit par le trouble mentale de Curtis LaForche ou par la retraite physique de Mud. Matthew McConaughey endosse un rôle aussi inhabituel que dans Killer Joe, mais se révèle plus humain. Son aura faite de mensonges en font une entité, presque légendaire qui se raconte par les autres.

Mud crée un besoin de liberté. Cette même liberté qui menacée, fait évoluer Ellis et Mud. Sans créer des images aussi forte que Take shelter, le film reste bien plus optimiste. La fausse simplicité du récit et son atmosphère marque un désir de retour aux sources. À noter également, l'apparition de Michael Shannon, présent dans les deux précédents films de Nichols. Un partenariat qui semble parti pour durer puisque l'acteur est d'ores et déjà prévu le projet SF du réalisateur. Un tournant qui a de quoi déconcerter pour celui qui affectionne la réalité du milieu rural américain.
Zède
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le 27 mai 2013

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Zède

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