Presque un bon remake

A peine sortie au cinéma, Mulan avait déjà une mauvaise réputation. Premièrement, à cause du lieu où il a été filmé, dans la province du Xinjiang, lieu de génocide des Ouighours. Secondement, à cause des propos de son actrice principale Yifei Liu en faveur de la police chinoise lors des évènements à Hong-Kong. Et troisièmement, à cause du choix de mettre le film sur la plateforme Disney + pendant le Covid et de le retirer des salles de cinéma. Ne parlons pas des autres choix comme la disparition de Li Shang, Mushu et du criquet...
Mais là, l'objectif est de critiquer le film en tant que tel. De juger uniquement le fond et la forme. La critique sera par thème et non pas point négatif/ positif.

Le Chi: La première fois que j'en ai entendu parlé, c'était dans Kong Fu Panda (pas de jugement s'il vous plaît, j'adore les Kung Fu Panda). J'avais donc appris que le Chi était l'énergie de l'univers, présente dans chaque élément vivant sur terre, comprenant donc les végétaux, les animaux et les êtres humains... Reliant les vies entre elles. Dans ce film, Mulan possède un Chi très fort. Le narrateur, son père, nous apprend que seuls les guerriers peuvent posséder un Chi aussi puissant, ce qui est interdit aux filles. Alors la grande question fut, est-ce-que le Chi est un super pouvoir, faisant de Mulan une super héroïne, super puissante? Avec de la réflexion, je suis arrivée à une conclusion. Dès les premières scènes on remarque la fierté du père de Mulan envers sa fille ainée, qu'il a entraîné. Lui même étant un guerrier reconnu de la précédente guerre. Il a vu directement en sa fille, son reflet et il l'a entrainée avec fierté. Permettant ainsi à la jeune Mulan d'être elle même, courageuse, loyal et sincère envers elle-même. Mulan est juste née avec des qualités en matière de combat, que son père a affiné dans sa jeunesse. D'où un Chi puissant. Dans des sociétés dîtes "patriarcales", la puissance appartient aux hommes qui sont tous considérés comme des guerriers, car a un moment ils finissent tous par se retrouver sur le champ de bataille. Les femmes étant destinées à apporter l'honneur par le mariage, Mulan est donc différente. Ce qui explique les regards de son village face à ses exploits, déjà jeune. Des regards négatif qui auraient dû être plus présent autour de la famille Hua, à mon goût. Surtout pendant l'absence de Mulan, pour montrer le déshonneur qu'elle apporte à sa famille. Mais passons... Mulan et son père savent très bien qui elle est, et à quoi elle est destinée, mais pour l'honneur de la famille, elle doit devenir la "Elsa" de la Chine. Ce qui est bien réalisé lors de la scène de la préparation pour la marieuse où elle est enfermée dans des nœuds, du maquillage et une coiffure qui la font être une étrangère pour elle-même.
Alors, il est vrai que la notion du Chi est très mal employée dans le film. Créant ainsi un clivage homme/ femme bien tranché. Mais cela permet de guider le film sur une morale. Contrairement au dessin animé, où Mulan devait trouver sa place dans le monde, par un chemin initiatique, ici Mulan sait déjà qui elle est, elle doit juste l'assumer. Toutes jeunes filles pouvaient s'assimiler à la Mulan du dessin animé, une jeune fille tout a fait ordinaire qui trouve sa voie, pour protéger son père mais à la fin pour se découvrir elle-même. Ici, on peut toujours s'y assimiler, toutes jeunes filles possède un don, qu'il faut cultiver, sans peur des autres, car le seul frein, c'est soi-même. Cette dernière morale est plus complexe à assimiler que la première, car Mulan est puissante sur le champ de bataille, donc il est compliqué de faire des parallèles avec notre propre talent. Une morale un peu bancale et forcée, mais qui marche quand même.

Les alter egos: Aladdin nous avait déjà offert un alter ego avec Aladdin et Jafar. Montrant les deux face d'une même pièce, les deux chemins d'un voleur. Ici, c'est par les personnages de Mulan et de la sorcière Xianniang. Elles sont les deux faces de la différence face aux normes sociétales. Elles sont les deux chemins, l'une allant jusqu'au bout pour se faire accepter l'autre allant jusqu'à détruire pour recréer et être accepter. Le personnage de la sorcière, était très intéressant mais assez stéréotypé à cause de sa relation avec Böri Khan. Elle est capable de se transformer en oiseau, de prendre l'apparence de n'importe qui, de combattre n'importe quel ennemi. Pour moi, elle n'a besoin de personne pour sa tâche. Pour elle n'avait pas besoin de Böri Khan pour arriver à ses fins. Elle pouvait se débarrasser de Böri Khan en claquement de doigt. Mais ici, elle est comparée à une esclave, à un chien qui va à la niche. Tout ça parce que le rejet de son identité par son village, l'a privé de confiance en elle. Et que c'est parce que Böri Khan l'a aidée à se relever, qu'elle lui est redevable. Malheureusement, pour moi c'est un peu léger pour son personnage. Elle est pour moi, le personnage central, avec Mulan de cette histoire. J'ai beaucoup aimé leurs confrontations, qui ont permis de construire le personnage de Mulan. Je pense que cela aurait tout de même dû être plus poussé. Car, la tension autour de ces deux personnages pouvait donner de la place au doute pour Mulan. Sur les choix qu'elle devait faire, sur son identité. La sorcière a aidé en parti à construire le personnage de l'héroïne, mais c'est pour moi trop rapide. Il y a des dialogues très intéressants entre elles et j'ai trouvé magnifique l'acceptation de Mulan d'être qui elle est.

Après le destin de la sorcière est pour moi cohérent, toujours par rapport à Mulan. Mais je trouve dommage de n'avoir pas creuser assez précisément cette relation, qui est la mieux développée du film. L'image de l'émancipation de la femme est donc tirée à gros trait, au lieu d'y être subtilement écrit.

La fluidité et l'émotion: Enorme problème dans le film, la fluidité. On passe très souvent de scène en scène, sans liant. Il y a donc beaucoup de coupure, on est donc très souvent plus dans le film, car on ne comprend pas le passage entre les scènes. Ce qu'il fait que toute les émotions, qui étaient présentes dans le dessin animé, ont disparu dans le film. Lors de la bande annonce, j'avais des frissons et de l'émotion pour ce film. Mais, en le voyant, j'ai clairement manqué d'attache. Les scènes qui devaient retranscrire de l'émotion, dont la fameuse scène où Mulan décide de partir à la place de son père, est vide d'émotion, la scène où le père se rend compte qu'elle est partie, vide d'émotion, la scène où elle revient chez elle, vide d'émotion... Même si les acteurs donnent tout ce qu'ils peuvent, et ça se voit. Le film a manqué de liant, cruellement, pour rendre ces scènes émouvantes. Et les musiques n'accompagnent pas bien ces moments, ce qui fait qu'il n'y a pas vraiment de moment où on est pris dans le film. Sauf pour quelques scènes, où personnellement, je ne m'y attendais pas. Mais, le film est comme qui dirait presque vide à cause des coupures entre les scènes, et beaucoup de coupures lors des scènes de combat. Ca donne du rythme, certes, mais les doublures et Donnie Yen ont fait un travail remarquable et pas assez vu à mon goût.

L'évolution des personnages: Mise à part Mulan et Xianniang qui possèdent des évolutions logiques et assez bien écrites, le reste des personnages n'a pas cette chance. Commençant par le méchant Böri Khan qui est concrètement l'image stéréotypée du méchant qui veut se venger de la mort de son père et qui n'est seulement que méchant. Il n'est rien d'autre. Ce qui est vraiment dommage ne pas avoir assez bien construit ce personnage, qui manque clairement de stature et de charisme. Il est vrai que dans le dessin animé, le méchant, appelé Shan Yu, n'avait pas des motivations explicites, mais au moins, il dégagé quelque chose de cruel et il était très charismatique. C'est quelque chose qui manque dans ce film, un opposant doté d'une histoire autre que la vengeance. Ensuite passons aux personnages de Criquet, Ling, Yao et Chien Po. Il est intéressant d'avoir transformé le criquet en un personnage humain, représentant l'innocence à la guerre. Il est le personnage auquel on s'attache rapidement, car il est concrètement trop pur pour être confronté aux horreurs de la guerre. Mais il a un chemin assez intéressant, d'où ses qualités pour le tir à l'arc. Mais ce n'est pas suffisant. N'ayant que cette évolution, il n'est pas plus présent que ça dans le film, tout comme les très aimés ( du dessin animé) Ling, Yao et Chien Po, les amis de Mulan. Ici, ils sont restés à un seul niveau d'évolution, Ling le séducteur, Yao le colérique et Chien Po le gourmand. On ne voit pas vraiment leurs évolutions en tant que guerriers, et en tant qu'amis de Mulan. Les liens qui les unis ne sont pas assez bien construits pour créer une cohésion d'équipe. Même s'il y a du respect entre eux vis à vis du fait qu'ils sont tous dans l'armée royale, il n'y a rien d'autres.
Après la relation avec Honghui et Mulan était vraiment étrange. Je ne savais pas du tout s'il y avait du respect entre eux vis à vis de leur place dans l'armée, ou du respect face à leurs caractères compétitifs, ou simplement de l'attirance. Ou peut-être tout cela à la fois. Peut-être que cela est dû au comportement de Mulan sur le camp d'entraînement, du fait qu'elle s'éloigne des autres, à cause de son secret qui l'empêche de créer des liens. Néanmoins, il était très clair qu'ils avaient de l'intérêt l'un pour l'autre.
L'empereur est aussi très mal écrit. J'ai aimé le fait de le voir en tant que maître de la Chine et guerrier, ce qui lui a donné un côté plus accessible. Et très sincèrement, un soldat qui demande à parler à l'empereur, je crois pas que ce soit très protocolaire... Après, l'empereur a des talents pas assez développé et une personnalité aussi très légère, et pas du tout construite. Dommage ne pas voir assez de Jet Li dans ce film.
La figure de la sœur, supposé créer plus de motivation et d'attache émotionnel au personnage de Mulan est très clairement inutile. Elle ne créait pas plus de motivation et d'attache que ça, et elle n'a aucune évolution. La seule motivation de Mulan sait l'honneur, son père et elle-même.

Conclusion: Mulan n'a pas perdu de son intelligence et a gagné des talents pour le combat et les arts martiaux. Ce qui est dommage c'est que son intelligence est utilisée grâce à des facilités scénaristiques, cf la scène de l'avalanche. Le problème est que Mulan apparaît parfois surpuissante face aux autres, en arrivant à éviter des flèches, alors que les autres ne peuvent pas le faire. Arrivant à faire des pirouettes à dos de cheval... Mais elle représente la liberté d'être qui elle est, même si c'est écrit en très gros pour qu'on le comprenne.
A la fin, Mulan est presque un bon remake de dessin animé. En se détachant du dessin animé, et en choisissant une direction plus dure dans son traitement de l'histoire. Il faut dire que Mulan est quand même une histoire assez violente, que ce soit en dessin animé, quant film. C'est quand même l'histoire d'une guerre, où on envoie des hommes inexpérimenté mourir au combat. C'est l'histoire du sacrifice d'une fille pour son père, car elle sait pertinemment qu'il va mourir au combat. Le dessin animé nous a un peu détaché de cette dure réalité par les personnages de Mushu et du criquet, et grâce aux chansons. Dans ce film, le choix a été de se fier à la "Ballade de Mulan", sans Mushu. Ce qui est un choix auquel j'adhère. Pourquoi faire un remake, pour refaire la même chose? Ici Mushu est remplacé par le Phénix, bien que son utilité soit représenté par la version européanisé du phénix, et non pas sa version chinoise. Néanmoins, ce choix est logique pour moi et son traitement est subtile.
Après les scènes de combats sont superbes, héritées dans leurs styles des films chinois! Les costumes, les décors sont absolument magnifiques.
C'est un film divertissant et appréciable si on ne cherche pas à aller plus loin dans l'analyse. A la fin, c'est un film que j'ai apprécié voir et revoir.

Après il y a des fautes qu'on oubliera jamais sur ce film, dont la localisation dans le Xianjiang pour filmer, ce qui est très clairement inexcusable, quand on connaît les horreurs qui s'y passent.

Pour finir, Mulan n'est pas si mauvais que ça. Il a sa propre ligne directrice, sa propre morale et sa propre identité. Le problème étant que c'est mal réalisé pour quelques points, que ça manque de liant, que ça manque de logique et que les thèmes sont explicitement envoyés à la figure pour qu'on soit sûr de les comprendre. C'est presque un bon remake dans le sens, où ça manque d'affinage et travail sur les points cités au dessus. Sinon, il a réussi à se détacher du dessin animé et à nous offrir une histoire connue, réalisée différemment.