Multiple Maniacs
6.5
Multiple Maniacs

Film de John Waters (1970)

Divine, c'est comme Charlot, c'est comme les Marx Brothers, c'est un personnage qui est entré en fusion avec une série de films, au point qu'on en oublie les titres, les histoires et les thèmes - on se souvient, par contre, de certains moments (Divine mange une crotte de chien, Divine est violée par une langouste...).
Aussi, quand on voit un film de John Waters (avec Divine), en vérité on ne voit pas un film, mais on rencontre quelqu'un.
Le rapport qu'on a, nous, spectateurs, à ce genre de films (Divine, Charlot, Marx Brothers...), est un rapport étrange. On ne peut pas s'identifier calmement à eux (comme on le ferait ailleurs, et même pour des films avec des stars, qui sont d'autres monstres, mais leur monstruosité, la plupart du temps, agit hors-champ, contrairement à ceux dont je parle), car nous sommes sans cesse dépassés par eux, presque torturés par leurs apparitions, tenus quelque part entre le plaisir et la démence.
Mais la grande différence qu'il y a entre Charlot et Divine, c'est que Divine n'est pas l'auteur des films où elle apparaît (les Marx Brothers aussi l'étaient, puisqu'ils écrivaient tout, même s'ils confiaient la réalisation à d'autres qu'eux). L'auteur, c'est John Waters. Un cinéaste suffisamment humble pour ne pas écraser par son style le personnage qu'il veut filmer, la déflagration que constitue chacune des apparitions de Divine. Divine, chez Fellini, aurait été une simple créature fellinienne, l'élément d'un ensemble baroque extrêmement composé. Chez John Waters - et dans Multiple Maniacs en particulier - Divine est la loi, l'anarchie qui régit (ou dérègle) chaque plan. Tout est un peu flou, désordonné, artificiel. Le film lui-même est une rencontre : John Waters tente d'être à la mesure brouillonne de son personnage. C'est ce qui fait, je crois, la grande intensité de ces films, qui ne sont pas des chefs d’œuvre de maîtrise où s’impose une grande idée de cinéma, mais qui sont malgré tout des éclats, des avènements quasi-bibliques, qui nous donnent l’idée (imparfaite, nécessairement) de ce qu’est l’amour, de ce qu’est l’autre, de ce qu’est la dévotion à la folie de l’autre.

Multipla_Zürn
7
Écrit par

Créée

le 11 août 2015

Critique lue 574 fois

6 j'aime

2 commentaires

Multipla_Zürn

Écrit par

Critique lue 574 fois

6
2

D'autres avis sur Multiple Maniacs

Multiple Maniacs
Fatpooper
5

Le bal des maniaques

Ça se regarde ; j'apprécie l'univers barré de Waters. Mais le scénario est un peu mal foutu, avec de longues séquences un peu plates, aux dialogues tantôt comiques, tantôt ratés. Waters tourne selon...

le 28 févr. 2022

1 j'aime

Multiple Maniacs
Mil-Feux
10

Cavalcade of Perversion

Ce film de monstres qui n’est pas sans rappeler le classique Freaks de Tod Browning (1932) met en scène la figure queer et drag certainement la plus scandaleuse de son époque aux USA : Divine. Tout...

le 27 sept. 2023

Du même critique

As Bestas
Multipla_Zürn
2

Critique de As Bestas par Multipla_Zürn

Un cauchemar de droite, créé par l'algorithme du Figaro.fr : un projet de construction d'éoliennes, des bobos néo-ruraux en agriculture raisonnée, des vrais ruraux sous-éduqués qui grognent et...

le 26 sept. 2022

44 j'aime

44

Les Herbes sèches
Multipla_Zürn
9

Critique de Les Herbes sèches par Multipla_Zürn

Les Herbes sèches est un film sur un homme qui ne voit plus, parce qu'il n'y arrive plus, et parce qu'il ne veut plus se voir lui-même au coeur de tout ce qui lui arrive. Il prend des photographies...

le 25 juil. 2023

37 j'aime

2

Moonlight
Multipla_Zürn
4

Critique de Moonlight par Multipla_Zürn

Barry Jenkins sait construire des scènes (celle du restaurant, notamment, est assez singulière, déployant le temps dans l'espace via le désir et ses multiples incarnations, à savoir la nourriture, la...

le 5 févr. 2017

37 j'aime

1