La réalisatrice Gurinder Chadha a réalisé son premier hit en 2002 avec Joue-la commune Beckham, intimement lié à son vécu. En effet le film parle du passage à l’âge adulte d’une jeune anglaise d’origine indienne, comme elle, tiraillée entre les traditions auxquelles est attachée sa famille (arrêt des études pour un mariage de raison) et la liberté occidentale, le tout cristalisé à travers son admiration pour David Beckham. La fascination pour le football de l’héroïne devenant sa fenêtre sur le monde.


Music of my life, bien que tiré d’un roman autobiographique, dont l’auteur Sarfraz Manzoor co-signe le scénario du film, semble néanmoins taillé sur mesure pour Gurinder Chadha puisqu’il en va peu ou prou du même moule. L’on y suit l’histoire de Javed (Viveik Kalra dont c’est le premier film), un ado anglais d’origine pakistanaise englué dans la ville industrille de Luton, sa famille trop tradi et la morosité des années Thatcher. Heureusement, il va trouver un guide spirituel dans la personne de Bruce “The Boss” Springsteen, l’aidant à s’épanouir et à aller de l’avant. Donc (1) ça a beau être du copié-collé pas fainéant, ça reste du copié-collé et (2) depuis les 900 millions au box-office de Bohémian Rhapsody, il y a une soudaine (et sincère, n’en doutons pas) fascination des producteurs de tous poils pour les films musicaux, car c’est évident qu’après Rocketman en mai pour Elton John et Yesterday sur les Beatles en juillet, on avait bien besoin d’une troisième couche en septembre.


Du coup on se retrouve avec une histoire qui mérite d’être raconté, mais probablement pas avec la subtilité d’une pub kinder… Ce “coming of age” demeure en soi intéréssant avec son message de tolérance, d’amour, du pouvoir de l’amitié et de la poésie, d’ailleurs présenté sans trop de concessions à travers un début de film qui réussit à transmettre les tourments d’une adolescence pas fastoche entre racisme, pauvreté et déracinement. Le souci (principal) étant que dès que la musique de Springsteen arrive, le film troque sa mise en scène sobre pour une extravangaza bolywoodienne dosée à la truelle.


D’accord c’est fait exprès, mais c’est pas pour ça que ça fonctionne, en atomisant la barre du vraisemblable dès les premières notes, on sait que l’on n’ira pas plus loin. La solution aux problèmes du héros tombe au bout d'une demi-heure et il reste 90 longues minutes -car oui, ça dure 2h- de moments plus ou moins gênants avec des gens qui se mettront à spontanément chanter dans la rue… Les personnages perdent l’épaisseur que la première partie leur conférait, les situations deviennent forcées, on se retrouve devant une série des lipdubs improbables entre deux séquences où les héros pleurent en se disant qu’ils s’aiment alors qu’on commence à se demander simultanément si le cinéma rembourse les tickets en cas d’incendie et si on peut faire cramer un siège au briquet bic.


L’idée réchauffée de briser un cliché avec un personnage central qui adule un symbole a priori éloigné de son milieu (Beckham ou Springsteen et la communauté indienne en Angleterre) ne fonctionne pas, ou pas au point de tenir le film. Lutter contre des skinheads en chantant à tue-tête qu’est ce que c’est niais. Si on a reproché au précédent film de la réalisatrice, Le Dernier Vice-Roi des Indes, son manque de nuance, le fait d’ajouter ici des numéros musicaux douteux dans un premier degré ras des pâquerettes va malheureusement plomber le projet pas très vaillant à la base. Le but semblant de pousser toujours plus loin une vision binaire de l’existence, quitte à décrédibiliser le propos initial par une approche candide à souhait de son récit.


A deux pas d’un Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ? folk rock avec la mise en scène d’un clip du club Dorothée, le mélange proposé est clairement indigeste.

Cinématogrill
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le 14 août 2019

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