J'ai eu envie de voir ce film sans rien savoir de son histoire, simplement car sa belle affiche m'attirait beaucoup. On y devine un décor oppressant, avec son ciel métallique et ces arbustes aux airs de ronces géantes. Surtout, il y a sous la chapka ce regard étrange, à la fois perçant et comme sur le point de vaciller.
L'histoire donc, c'est le destin croisé d'une institutrice et d'un policier, tous les deux envoyés dans un village isolé du Kurdistan irakien, où tout est à construire après une autonomie obtenue au prix cher. Ou comment raconter l'altruisme, le souci de l'intérêt collectif avant sa propre sécurité, sans actionner la machine à guimauve.
My sweet pepperland n'est pas un film ingénieux. Son scénario maintient une tension naturelle, celle qui régit les terres où un coup de fusil peut retentir à tout moment, mais se déroule sans immense surprise. La caméra, elle, capte assurément la beauté brute et envoûtante des montagnes, sans que la mise en scène ne sorte réellement des sentiers battus.
Ce n'est pas un film ingénieux mais c'est un film noble, qui nous dessine deux êtres d'un courage saisissant. En les opposant à un clan de trafiquants sans scrupules, en devient-il manichéen ? Probablement, mais pas au point d'en faire un défaut. Je m'explique. Nos deux arrivants sont bons et droits, face à une clique d'indiscutables connards, certes. Et après ? Les gens faits d'un seul bois existent, et les zones de non-droit sont fatalement plus révélatrices encore de leur vraie nature. Manichéen peut-être donc, mais pas caricatural dans la manière de l'illustrer. Le clan use de la force avec parcimonie, son chef ne lève jamais la voix, et leur domination néfaste se lit plus par la peur qu'ils inspirent que par des actes démonstratifs. En plus ça reste le Kurdistan donc leur QG ressemble quand même à une maison Catherine Mamet, on a déjà vu plus badass.
De la même manière, on ne nous vend pas un tandem de super-héros. Ce sont simplement deux êtres qui veulent exercer leur métier normalement, et se tiennent droits. Ici. Pas là où on les somme de s'enfuir. Ils ne résolvent rien, en ce sens le film n'est pas naïf. Govend ne lance pas un tourbillon de connaissance et de modernisme auprès des villageois. Baran ne transforme pas le coin en Bisounoursland. Leur héroïsme est dans leur dignité, pas dans des coups de baguette magique trop beaux pour être vrais.
Pas de surenchère dans l'affrontement donc, et parfois des idées intéressantes pour le symboliser d'une autre manière, comme le fracas d'un combat de chevaux. Une retenue que l'on retrouve dans la manière de filmer le respect qui se mue en affection : quelques mots (car Hiner Saleem n'abuse pas des dialogues, mais sait leur donne une force tranquille sans verser dans le pontifiant), quelques regards aussi, et puis le rôle de la musique en toile de fond, qu'elle soit jouée sous des yeux épieurs ou manière de briser la glace.
Un joli film auquel il manque 2-3 choses pour provoquer une résonance supplémentaire, mais un hommage salutaire à ceux qui allient convictions et indépendance d'esprit.