À cours d'imagination --- à moins que ce soit le souffle coupé par ce "petit" film pour lequel je viens d'avoir un grand coup de foudre ---, je n'ai pas trouvé mieux que ce Crocodile Dandy...



Crocodile



, parce que le personnage principal de Mystery Road sillonne en solitaire un oppressant marigot.
Lui, c'est le détective Jay Swan (swan, le cygne, hôte majestueux des eaux calmes, lui aussi) qui arpente un bled australien sec comme un coup de trique et où, malgré l'éloignement de la ville, des plaies typiquement urbaines y saignent : petite mafia, drogue dure, prostitution, violence sourde...


De manière générale, tout est désolation dans ce patelin : les enfants sont livrés à eux-mêmes, l'adversité est générale (abandon --- la scène avec le vieil homme seul dont le petit compagnon vient de mourir est très touchante ---, épiement, mutisme, vénalité, rancœur...), des chiens errants rôdent...



Heard a wild dog growling from under the bridge.



Jay Swan, enfant du pays, y revient et s'y retrouve plus seul que n'importe qui : ni reconnu par les siens (aborigènes), ni par les Blancs, ni même par ses collègues policiers (parmi eux, un Hugo Weaving splendidement inquiétant).



Dandy



, parce que justement Jay se distingue de ce No man's land où seuls le souffle du vent et le chant des oiseaux (et même le timide vrombissement des mouches) apportent un semblant de vitalité à l'hostile apathie.


Chapeau de cow-boy, jean, chemise à carreaux, flingue à la ceinture, certes, mais il a une sacrée classe, Jay.


Flegmatique, regard pénétrant, son élégance contraste avec toutes les créatures du marigot poussiéreux. Jusqu'à son élocution (la seule compréhensible sans sous-titres !).


Posé, déterminé, il chemine, d'une piste à une autre, d'un lieu à un autre, d'un suspect à un autre. On est avec lui. Partout. Tout le temps.



There's a place called Slaughter Hill.



Les cadrages sont très soignés. De nombreux gros plans, tout particulièrement sur Jay (Aaron Pedersen, magnifique), tendu mais rarement orageux, alternent avec notamment de superbes panoramas de l'Outback : d'une beauté à une autre...


Et lorsque notre détective prend le volant, la caméra surplombe son véhicule au son d'une discrète nappe musicale. On hésite alors entre la légèreté de la distance, la fuite salvatrice, et au contraire la suffocante immersion...


Hormis une poignée de bémols


(le coup du portable trouvé sur la route par le gosse, bien pratique ; Johnno et Jay qui se laissent tirer comme des lapins, lors de la fusillade)


, Mystery Road, économe et magistralement maîtrisé, tient incontestablement la route... nous transporte.

Arnaud-Fioutieur
9

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Créée

le 23 janv. 2020

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