sept 2012:

Loin d'être un grand fan des films de Clint Eastwood, je ne serais pas non plus un de ses ardents détracteurs. Et ce film ne change rien au fait que je me situe dans une position médiane. Le film se suit gentiment.

Les comédiens sont pour certains assez bons. Tim Robbins se tire pas mal d'un rôle assez compliqué. J'aime bien Laura Linney, Kevin Bacon et Laurence Fishburne, sobres, dépouillés. Par contre, j'ai eu une nouvelle fois bien des difficultés face au grimaçant Sean Penn, toujours prompt à hystériser à outrance ses personnages. De la même façon, Marcia Gay Harden me parait un peu trop schématique dans ses expressions. A leur décharge, ils ont à se trimballer deux personnages très difficiles à manier.

Est-ce que l'histoire, le film sont intéressants? Ont-ils quelque chose à dire, un poids véritable? Depuis le visionnage, je ne cesse de me poser ces questions, de m'interroger sur la portée de ce film. Ennuyeux de se poser ce genre de questions, mauvais signe même.

Pourquoi Eastwood a-t-il voulu raconter cette histoire? Ce conte moral a une double fin. A première vue, il semble traiter des dangers de se faire justice soi même. Mais très étrangement, alors qu'on croit que le film va se clore sur le sentiment de culpabilité, il rebondit, prend une voie jusque là ignorée. Jusqu'à la toute fin, on suivait des dérapages d'un père face à la mort violente de sa fille, qui permettaient de mettre en exergue en quelque sorte les caractéristiques d'une société patriarcale. Or, à la toute fin, sa femme entre en jeu et met en place les éléments nécessaires pour "recadrer" son époux et ainsi restaurer l'ordre social et moral, basé sur la cellule familiale, révélant du même coup que la société matriarcale était en fin de compte la vraie pierre angulaire de la société. Moralement très douteuse, cette fin me laisse songeur, rejetant la responsabilité de ce gâchis sur la femme, son goût de la manipulation perverse, dans une espèce de condamnation phallocrate qui en plus d'être simpliste apparait aussi soudainement qu'un lapin du chapeau de magicien, sans autre justification que son éclat.

Ce n'est pas la première fois, me semble-t-il, qu'Eastwood s'amuse à faire prendre une direction à son film pour en changer brutalement, abîmant toutes les certitudes à son sujet, mais cette fois cela me parait beaucoup trop évident et adossé à une morale plutôt maladroite (pour rester poli). Le côté "réac" de ce parti pris me gêne aux entournures.

Sans doute parce que je doute même qu'il soit soit véritablement réactionnaire, que mon jugement soit réellement perspicace. Et finalement, je crois que c'est pas plus mal, qu'avec le temps cette ambiguïté grandit et fait des films d'Eastwood des objets un peu mystérieux. Je n'irais pas jusqu'à dire "fascinants" parce que sa mise en scène et sa direction d'acteurs ne retiennent pas trop mon attention, mais voilà, je situe difficilement le bonhomme. Ses films constituent souvent des points d'interrogation. De ce point de vue, il ne me laisse pas indifférent, m'embarrassent autant qu'ils me titillent le bulbe.
Alligator
6
Écrit par

Créée

le 20 avr. 2013

Critique lue 479 fois

7 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 479 fois

7

D'autres avis sur Mystic River

Mystic River
Charlotte-Bad
8

Poignant ...

Ce que Eastwood réussit une fois de plus c'est à dépeindre une Amérique glauque, peu sûre d'elle-même, humaine, tourmentée avec cette emprunte de mysticisme. Sean Penn magistral, éblouissant avec...

le 2 mai 2012

74 j'aime

2

Mystic River
Velvetman
9

Impitoyable

Mystic River de Clint Eastwood convoque les fantômes du passé et regarde les reflets d’une Amérique qui s’est créée sous les traits de la violence. Un film où la simplicité du cadre mythologique se...

le 21 janv. 2019

48 j'aime

5

Mystic River
cinemusic
10

Le garçon qui monta dans la voiture...

Ce film est l'adaptation(par l'excellent Brian Helgeland) du roman éponyme de Dennis Lehane. Jimmy(Sean Penn),Dave(Tim Robbins) et Sean(Kevin Bacon) sont des amis d'enfance.Un jour de 1975 Dave est...

le 12 mai 2019

29 j'aime

13

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime