C'est avec la tête haute et la démarche assurée qu'on quitte la salle de cinéma une fois Straight Outta Compton achevé. L'envie de jouer au gangster et d'envoyer en l'air tout ce qui se passe autour de nous ne nous quittera d'ailleurs pas de sitôt tant le film se révèle percutant.
Réalisé par F. Gary Gray, à qui l'on doit Friday et de nombreux clips de Rap des années 90, et orchestré et produit par les deux géants de l'affaire Ice Cube et Dr Dre (lequel a même poussé le vice jusqu'à sortir son troisième album solo tant attendu et dit inspiré du film), Straight Outta Compton, du nom de l'album éponyme qui a marqué à tout jamais le Hip-Hop dès sa sortie en 88, narre l'envie de cinq jeunes du quartier défavorisé de Compton, LA, de fuir leur triste réalité et de faire enfin valoir leur parole, tout en prenant leur revanche sur la police qui les a depuis toujours traités comme des moins-que-rien. Le film se veut ainsi tout d'abord comme l'apologie de cette jeunesse qui en a bien trop marre de l'étouffante autorité se dressant devant elle et qui est prête à tout péter pour obtenir ce qu'elle veut.
Le ton est forcément grossier et outrageant au possible, déterminé à faire trembler la vieille Amérique puritaine et à ouvrir la voie du ghetto : mesdames et messieurs, le Gangsta Rap est né.
Très vite, les trois principaux protagonistes sont présentés : Eazy-E est le battant, un petit dealer de drogue de bas étage qui ne lâche en rien l'affaire pour obtenir ce dont il a envie, Ice Cube est le poète qui consigne toute la rage bouillonnante en lui sur ses cahiers de lycée, et Dr Dre est le génie, dont la portée n'est pour l'instant réduite qu'à sa chambre transformée en studio de mixage et au club où il passe ses nuits pour se faire un peu d'argent. Le film mettra volontairement l'accent sur ses trois-là en minimisant le rôle pourtant important dans le groupe de DJ Yella et MC Ren... Cet "oubli" marque le point de départ d'une question qu'on viendra souvent à se poser : surexposition et glorification volontairement exercée par derrière de la part de Cube et Dre ou bien reflet véridique de la réalité ?
La réponse est pour moi en faveur de la seconde proposition : si le traitement de Cube et Dre semble parfois un poil trop élogieux (en définissant leurs deux carrières comme la bonne route à suivre par rapport à celle d'Eazy-E planté par derrière par son manager, ou en effaçant certaines magouilles un peu trop douteuses), le tout se veut au final bien représentatif de la grande histoire que fut celle du groupe et de Ruthless Records entre 86 et 96, date à laquelle Dre quitte Death Row et son pote Suge Knight pour fonder son futur label de renommée Aftermath. Les grands éléments de cette "hip-hopée" sont bien tous présents à l'écran, du clash entre Cube et les quatre membres restants de N.W.A. à l'accident de voiture du parolier de génie D.O.C. qui le rendra muet, en passant par le triomphe de The Chronic, premier album solo de Dre qui le portera définitivement à la légende. Le film est en plus bourré de petits détails montrant les grands noms de la scène Rap de ce début d'années 90, comme la vision de Snoop Doggy Dogg et 2Pac (qui apporte en même temps la seule incohérence d'envergure du film en enregistrant California Love et Hail Mary en... 93) taffant chez Death Row, ou bien plus subtilement l'entente en fond sonore durant cette même année 93 du cultissime C.R.E.A.M. des new-yorkais du Wu-Tang Clan prêts à changer la donne et à mettre à mal la domination de la West Coast sur le Rap Game. En bref, si on regrette même au final que le film n'ait pas poussé le vice encore plus loin en nous montrant d'autres figures de pointe californiennes de cette époque tels DJ Quik ou CMW, force est de constater que le gros du contenu est là et que les fans du groupe seront bien rassérénés.
Pour les autres spectateurs, il leur restera toujours cette passionnante histoire de potes aspirant plus que tout à bouleverser leur quotidien et que le destin transformera en véritable phénomène générationnel, puis en sombres manigances et coups de couteau dans le dos jusqu'à la mort d'Eazy-E venue sonner l'heure de la réconciliation. Ce long épisode qui n'est autre qu'un des plus célèbres de l'histoire du Rap est forcément intense à l'écran, surtout quand il est porté par une réalisation très soignée (les plans esthétiques comme celui des grandes émeutes de Compton suivant l'explosion de N.W.A. ou bien celui de la gigantesque pool party d'Eazy-E comptent parmi mes favoris du film), par des acteurs convaincants (mention spéciale au fils de Cube O'Shea Jackson Jr qui crève l'écran de sa colère, comme quand il se ramène avec une batte de baseball et casse tout les disques d'or de sa maison de disque après avoir appris qu'il s'est encore fait douiller sur les revenus de ses morceaux), et par une bande-son ultra référencée composée principalement de Parliament & Funkadelic qui plaira forcément aux connaisseurs.
Dans le domaine du biopic qui abonde sur l'industrie du cinéma depuis ces dernières années, il s'agit là en somme d'un très bon cru.

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le 27 sept. 2015

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