Il y a deux choses qu'il faut que vous sachiez sur moi.
J'apprécie tout particulièrement le côté technique d'un film, que ce soit la mise en scène ou la photographie, l'utilisation du son et la composition des plans. Un film, aussi vide soit-il, obtiendra toujours grâce à mes yeux si son aspect technique est maîtrisé de bout en bout.
Et, par dessus tout, j'adore voir évoluer un personnage atypique, qui plus est, bavard, au cours du temps narratif, surtout s'il est bien interprété. Et si le film en regorge, je vous raconte pas comment je peux vite devenir fou de joie.
Naked présente ces deux aspects. Mais ils sont surtout ses deux points forts, servant à cacher autre chose, non pas un petit vide scénaristique, mais surtout, un problème de longueur, qui rend le film parfois répétitif. C'est un peut (trop) long et ça se ressent. Et c'est bien dommage.
Car pour le reste je n'ai vraiment rien à lui reprocher. La caméra de Mike Leigh est virevoltante. Tantôt posée pour capter des plans d'une beauté incroyable (=> http://image.toutlecine.com/photos/n/a/k/naked-1993-02-g.jpg), tantôt en mouvement, souvent à l'épaule, pour coller au plus près des personnages. Tout est fluide, c'est maîtrisé de bout en bout, un exercice de style très réussi.
Bien sûr je suis obligé de consacrer un paragraphe à l'interprétation, et en particulier à celle de David Thewlis, tout simplement exceptionnelle. Pour faire simple, c'est une des plus fortes prestations d'acteurs qu'il m'ait été donné de voir au cinéma. Un charisme fou, une gueule incroyable, une capacité à enchaîner les mots impressionnante et une présence fantastique à l'écran.
Le reste du casting n'est pas en reste, mais Thewlis (et son accent magnifique) est clairement au dessus du lot.
Le cinéma de Mike Leigh se rapproche ici du cinéma de Ken Loach, en ce sens où il donne la parole à ceux qui ne l'ont habituellement pas. Qui se soucie du paumé de service, qui n'a ni travail, ni famille, ni point d'ancrage quelconque ? Et le rendre aussi cultivé, le fait apparaître proche de nous. comme si tous ce qu'il disait s'adressait à nous ; il est la voix de Mike Leigh, celui qui est chargé de transmettre le message du film.
Et justement, que nous raconte-t-il donc ?
Tout un tas de choses, des réfléxions qui, en règle général, ne sortent pas comme ça dans une conversation normale. C'est comme s'il était constamment sous drogue, une drogue qui le consume, mais qui le fait avancer, la vie elle-même. Et, en ce sens, la scène finale prend toute sa signification. La vie continue, quoi qu'il arrive. Même si les choses s'améliore, la vie continue. Et cette vie, Johnny l'a choisie. Ce sera celle faite de rencontres, que ce soit le jeune junkie qui cherche une femme en criant son prénom, où un gardien de nuit d'un grand immeuble, ou comme l'appelle Johnny, "a post modern gas chamber"
Car le message que transmet cette sorte de gourou est d'un pessimisme fort, ramenant souvent sa conversation à la bible et aux passages sur l'apocalypse. Il en est tellement convainquant, par moment qu'on finirait par croire que la fin du monde a bien eu lieu en 1999. Une fin du monde au service de l'évolution humaine, inéluctable, elle marquerait la venue d'une nouvelle race, pour remplacer l'être humain. Une idée donc, non pas de fin du monde, mais d'extinction de l'humanité, idée qui se voit à travers les différents paysages, sales, glauques et très sombres, que nous peint Mike Leigh. Mais cette idée se transmet également à travers le personnage de psychopathe de Jeremy Smart/Sebastian Hawk. Il a décidé de mourir à 40 ans, pour ne pas vieillir, il refuse l'évolution et préfère donc l'extinction.
Naked est un film sombre, dans tous les sens du terme. Tant dans la forme que sur le fond, il ne laisse pas indifférent et peut choquer par plusieurs scènes. Mike Leigh ne refuse rien, et surtout pas les scènes de viols, qui sont filmées d'une façon très crue, et très violente.
Mais ce que je retiens, c'est l'image d'un film profondément marquant, un peu long, certes, mais soulevant tellement de questions, qu'il en est forcément intéressant.
La vie est mystérieuse. Je viens d'en voir le côté obscur.