Narc
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Narc

Film de Joe Carnahan (2002)

Toutes les séries, tous les films basés sur des métiers sont vite confrontés à un moment au même problème à la con : dans la vraie vie, c'est vingt pour cent d'action frénétique et démentielle contre quatre-vingt pour cent de routine et de truc plus ou moins sous contrôle. C'est valable à l'urgence du côté des traumas, c'est valable dans l'infanterie en temps de guerre, encore plus dans la routine quotidienne d'une adjointe administrative. C'est comme ça la vie, on peut pas se plaindre (c'est toujours mieux que décompenser dans un asile). Note bien, ça fait des effets secondaires plutôt rigolos dans les séries, comme les patients d'Urgence qu'on peut tous guérir de tous leurs problèmes cardiaques à coup de ... défibrillateur (dramatisation oblige, le type sursaute), ou les films du genre Training Day.

Tiens, moment faussement culturel, on estime qu'un groupe de soldats peut être efficace quelque chose comme cent cinquante jours de file. Ensuite, indépendamment du genre de conflit et de leur formation, le cerveau finit par virer à la gelée et rend le mec de plus en plus inefficace jusqu'à devenir dangereux pour son propre camp. C'est fou, hein ? Et en plus je me casse même pas les couilles à rechercher ma source quelque part dans le truc des psy de l'armée américaine. Je balance mon truc comme ça et débrouille toi avec, t'y crois ou t'y crois pas.

Narc fait pareil à deux ou trois reprises.

Il te dit en passant (ce que le commissaire Moulin a voulu sortir un jour et qui a assez fait scandale pour couler la série) : quand tu bosses aux stupéfiants sur le terrain, t'es obligé de devenir un consommateur. Comme disait plus ou moins Denzel Washington à son padawan : "Quand un dealer que t'essayes de coincer va te filer le truc au bec, tu vas lui dire qu'aujourd'hui c'est le sabbat et que tu peux pas pour pas niquer ta couverture ?".

Narc te balance donc, à la méthode matter-of-fact, ses deux ou trois vérités dans des dialogues qui ne s'adressent pas au spectateur. Comme ça soit ça te passe sous le nez et le film peut continuer, soit tu t'étrangles au passage mais c'est ton problème, après tout ce n'est qu'une ligne de dialogue donc faut pas se plaindre. Un peu comme quand t'as la scène lesbienne de Black Swan mais qu'en fait c'est un rêve, alors que personne peut dire que c'est mal et que les actrices qui l'ont joué finiront en enfer pour leur promotion des rapports contre-nature.

C'est comme ça, avec une certaine délicatesse, que Narc te raconte une histoire qui tient la route. Bien sûr, si t'as que des gens recommandables dans ton entourage, tu vas quand même trouver les situations exagérées ou machin. Mais si tu bosses dans le monde réel, tu sais que non, bon, ça se tient.


Et puis au final Narc se termine et quelque part t'as presque l'impression d'avoir vu un téléfilm tellement c'était faussement tranquille. Mais en fait, tu t'es fait avoir parce qu'on vient de te balancer plein de trucs dans le dos sur la façon dont les choses fonctionnent réellement. Alors après, tu t'étonne pas si le mec qui a essayé de faire tomber Villepin reçoit une promotion de fou malgré que son dossier était aussi petit que ton président. Narc a tenté de t'expliquer que la magouille, c'est une question de perspectives, même dans la police et plus on monte. Chacun à son niveau, quoi.



Narc, en fin de compte, c'est ça : un pur fait divers, mais dans le bon sens. Pour une fois, on ne prend pas la peine de te mentir tout du long pour que ça t'impressionne plus. Et c'est pour ça, et parce qu'il n'y a pas assez de types qui se flinguent au ralentit, que plein de types se sont fait chier en le regardant. Ces sous-développés ont probablement adoré Kickass (une balle subsonique à courte portée, ça va traverser ton gilet pare-balle taille enfant, connasse).
zeugme
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le 16 sept. 2011

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