Port du masque obligatoire

Hayao Miyazaki aime faire des femmes les héroïnes de ses histoires. Elles sont belles, audacieuses et courageuses, n'hésitant pas à s'opposer aux hommes.
Princesse Mononoké est la protectrice de la forêt et dirige le peuple des loups, Toshiro s'oppose aux esprits pour retrouver ses parents, Fiona aide Porco Rosso à réparer son avion, accompagnée des femmes du village.
Elles sont parfois soumises à d'étranges métamorphoses comme Ponyo passant de bébé poisson à petite fille ou Sophie passant, dans Le château ambulant par divers stades de la vie, de jeune fille à vieille femme et vice-versa.

Si ses héros vont souvent par couples, c'est souvent l'héroïne qui décide de la trajectoire à suivre.
La Princesse Nausicaä, à la mort de son Père, devient le dirigeant et l'âme de son peuple. Sans elle, tous se sentent comme des enfants abandonnés. De même Sheeta entraîne le jeune Paz à sa suite dans la quête du château dans le ciel, Laputa.

Nausicaä habite dans un monde post-apocalyptique dévasté par la pollution. Les membres de son peuple ont trouvé refuge dans une vallée dont ils ne peuvent sortir sans protection. La forêt qui les entoure est porteuse de miasmes et le port du masque y est obligatoire (tristement prémonitoire !).
La forêt est protégée par des insectes géants, les ômus - les insectes rois -.

Le vaisseau d'un peuple voisin, les tolmèques, atterrit dans la Vallée des Vents, venu récupérer l'étrange cargaison d'un autre vaisseau. Les tolmèques, peuple de soldats dirigé par une femme guerrière, Kushana, envahit alors le paisible peuple paysan de la vallée. Ils en tuent le Roi et font prisonnière sa fille, la princesse Nausicaä.
Celle-ci va devoir sauver le monde, comprenant peu à peu le rôle protecteur de la forêt et des insectes.

Fable écologique au discours peu modéré, Nausicaä et la vallée du vent propose une véritable réflexion sur la place des humains dans la nature. Précurseur du discours omniprésent de ces derniers années et de ses messages culpabilisants, le film montre l'humain fragile, soumis aux miasmes du Monde qu'il a dévasté par son inconscience.
Les images de ce monde apocalyptique sont de toute beauté, les arbres de la dangereuse forêt, les gigantesques pollens qui volent et, au dessus de tout cela, le ciel qui demeure bleu.

Sur son deltaplane, Nausicaä se laisse porter par les courants du vent en surveillant et protégeant son peuple. Face à elles, les hommes se montrent admiratifs, peureux et toujours prêts à obéir à ses ordres car c'est elle qui agit, qui sait ce qu'il faut faire et qui dirige, sans que son autorité ne soit remise en cause et que sa jeunesse ne soit critiquée.

Nausicaä est ainsi une des héroines les plus fortes de Miyazaki - avec Princesse Mononoké -.
Elle nous entraîne dans une histoire au parcours un peu prévisible, fait d'un discours écologique un peu caricatual et avec une entrée en matière pas forcément évidente.

Miyazaki laisse ainsi le spectateur découvrir lui-même le monde de Nausicaä sans lui expliquer quand et où se déroule l'histoire et quels en sont les différents éléments et personnages - ômus, tolmèques, habitants de la vallée, forêt ...-.
Il reste alors, comme son héroïne parcourant les courants aériens à nous laisser porter par les images, à rentrer peu à peu dans l'histoire, à voir grandir son intérêt au fil des minutes et comme toujours, à nous laisser envoûter par la superbe musique de Joe Hisaishi, indispensable compagnon de l'émotion ressentie devant les films d'Hayao Miyazaki.