Chef d'oeuvre d'épouvante anglais de Nicolas Roeg avec Donald Sutherland, Julie Christie. A voir.

D'après le roman éponyme de Daphné du Maurier (le premier film américain hitchcockien, "Rebecca", est également de cette auteure), Nicolas Roeg, pour son quatrième long-métrage, orchestre une romance qui n'appartient à aucun genre cinématographique défini. Bigre ! Roeg a par ailleurs été directeur photo avant de devenir réalisateur. On lui doit "Le masque de la mort rouge" (de Roger Corman), le célébrissime "Docteur Jivago" et "Fahrenheit 451" (de Truffaut) notamment. Il appose une dernière fois sa griffe en tant que chef opérateur et réalisateur, ce qu'il avait fait sur "Performance" et "La randonnée". Synopsis de "Ne vous retournez pas" : après la mort de leur fille, un couple décide de partir à Venise pour se remettre de leurs émotions. Mais des signes troublants vont remettre en question un voyage qui s'annonçait si paisible. Terriblement prenant et davantage tourné sur la personnalité du couple formé à l'écran (Sutherland-Christie), le scénario prend des tournures inattendues, nous met sous pression, et à l'arrachée, les scénaristes nous rendent actif, nous font agiter nos neurones pour remettre en place le désordre filmique. Magnifiquement mis en valeur, par-delà les effets esthétiques (j'y reviendrai plus bas), les scénaristes Chris Bryant ("La malédiction de la vallée des rois") et Allan Scott (un habitué de Roeg : "Les sorcières", "Cold heaven") nous proposent une histoire alambiquée que chacun doit remettre en place. Si l'on enlève cet effet de style, les deux personnages principaux sont bien troussés avec un mari bien pied à terre au possible et une mère de famille s'interrogeant sur la mort de sa fille et de l'existence d'une dimension qu'elle n'ose imaginer. Ce double travail scénaristique (effet de style-psychologie) s'intercale au fur et à mesure que le film avance. Rarement scénario et écriture filmique n'ont été aussi bien mêlés. Chapeau bas, messieurs !! Ensuite, pour parler des acteurs, c'est tout simplement splendide. Le couple formé par Donald Sutherland ("The dirty tozen", "MASH", "JFK"...) et Julie Christie ("Darling" de Schlesinger, "Le docteur Jivago"...) est magnifique, chacun apportant son style : Donald, charismatique avec sa classe à l'anglaise, et Julie Christie, sensible, à fleur de peau et touchante. Superbe ! Le second couteau qui arrive à leurs chevilles est pour moi Massimo Serato (dans l'un de ses derniers rôles, on l'a vu dans "Madame du Barry" de Christian-Jaque, "Le Cid"...) qui joue un évêque convaincant à souhait. Bingo ! Et comment critiquer "Ne vous retournez pas" sans évoquer l'ambiance et son esthétisme ? Sans fard, Nicolas Roeg nous plonge littéralement dans son cinéma. Chef opérateur (Roeg), directeur photo (Anthony B. Richmond, récompensé du Bafta dans cette catégorie à ses débuts, travaillera pour Sturges, Sean Penn...), compositeur (pour sa première incursion au cinéma, Pino Donaggio pointe son nez. Futur collaborateur de De Palma : "Carrie", "Blow out"...), décorateurs et metteur en scène s'organisent pour magnifier l'atmosphère aussi poisseuse, glauque teintée de fantastique et d'épouvante. A commencer par le générique de début avec l'étang vert qui nous aspire vers le fond. On continue par le voyage à Venise qui nous perd dans ses ruelles et bas-fonds miséricordieux. Quid de l'issue fatale, cette fameuse robe rouge qui apparaît comme le diable en personne ? Et qui reste en mémoire une fois le film terminé. Diantre ! Et surtout, le final, immanquable qui nous conduit à une maîtrise parfaite des couleurs, de la luminosité, du suspense tendu et avancé, de la musique électrique et étincelante, de ces brumes éparses... . Un pur moment d’esthétisme porté par la lumineuse cape rouge. Ainsi que de fourmillant détails distillés par une mise en scène subtile, fine et donc forcément... écarlate ! Pour conclure, "Don't look now" (1974), chef d’œuvre d'époque et considéré comme le meilleur film britannique de tous les temps par le magazine Time Out, reste un film phare des 70's à découvrir pour tout cinéphile. En revanche, je l'ai trouvé parfois attractif (surtout dans la dernière demi-heure) et parfois un tantinet pesant. Non pas que le film ait vieilli, mais l'atmosphère qu'a tendu maître Roeg pourra rebuter certains. De ce fait, on pourrait se laisser croire qu'on nage dans les canaux de Venise et non qu'on marche en compagnie du duo Sutherland-Christie dans les bas-fonds vénitiens. Spectateurs en manque de sensation forte, si vous avez le don de voyance, évitez les lagunes colorées vénitiennes ! PS : "Les sept mercenaires" version 2016 m'a déçu en raison de nombreux copié-collé qui font tâche ou qui n'inventent pas grand chose par rapport au film avec Yul Brynner ou avec d'autres westerns tels "Django unchained", "True grit" des frères Coen ou "Le dernier train de Gun Hill" pour ne citer que ceux-là. De plus, Antoine Fuqua garde certains tics (les acteurs qui passent en plein soleil, personnages non léchés) et oublie les codes du western traditionnel : chevauchées, musique revigorante, plans américains, morceaux de bravoure, et j'en passe ! En résumé, un divertissement qui saura conquérir un public peu exigeant ou n'ayant pas vu le remake des "Sept samouraïs". Ah oui, je vois d'ici la question : le lien entre "Ne vous retournez pas" et "Les sept mercenaires" (2016) ? Le directeur de la photographie de "Don't look now", Anthony B. Richmond, a travaillé pour Sturges sur "L'aigle s'est envolé". Ce dernier a réalisé "The magnificent seven" qui a vu son titre se faire une place au soleil en octobre 2016 (comme le dirait un certain George Stevens !)

brunodinah
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le 2 juil. 2019

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