Les Baxter, charmant couple anglais, perdent leur petite fille, qui se noie dans l'étang de leur demeure. Loin de bouder l'eau mais profondément affecté, le couple s'installe à Venise, où il rencontre deux soeurs anglaises, dont l'une est aveugle et médium. Elle leur prédit le malheur...

"Ne vous retournez pas" prend de suite à la gorge, par une mise en scène astucieuse dès les premières images. Le montage parfaitement oppressant, les jeux d'ombres et de couleurs témoignent d'un gros travail de préparation, et ont le mérite d'intriguer le spectateur.

Au point où la grande majorité du film, entre l'introduction et la dernière scène, peut se contenter de dérouler une Venise moite, labyrinthique, en lâchant avec parcimonie les ficelles d'un scénario plus complexe qu'il n'y parait (le don du mari, la présence importante du rouge, le nain, les meurtres). Le tout porté admirablement par une BO discrète et le jeu ambigu de Donald Sutherland.

Pourtant, dans la sobriété des plans, du manque de dialogue et même dans le cru de la scène de sexe, Nicolas Roeg tisse une tension rare, qui finit par rendre irrespirable le moindre recoin d'ombre, la moindre bande de brume au dessus de l'eau. Dans ce dédale vénitien où rode le mal, chaque pas semble moins assuré que le précédent.

Jusqu'à cette scène finale, celle de l'emballement, où l'aliénation se transforme en panique, où les prophéties prennent vies. "Ne vous retournez pas" parvient encore à passer un cap dans le retors, l'angoissant. De retour le montage au cordeau, cette fois dans des plans resserrés. Le piège se referme brutalement dans le vacarme des cris et de l'étrange brouillard de ce palais sans forme, sans issue. Dans son dernier plan, Roeg montre enfin le visage de la folie et le sang sans fard. Peut-être un des meilleurs thrillers jamais tourné.
Pirlito
9
Écrit par

Créée

le 23 oct. 2013

Critique lue 547 fois

3 j'aime

Pirlito

Écrit par

Critique lue 547 fois

3

D'autres avis sur Ne vous retournez pas

Ne vous retournez pas
Sergent_Pepper
7

Corps à Venise

Troublante expérience que le visionnage de l’œuvre de Nicholas Roeg. Après les errances primales de Walkabout, c’est dans l’univers urbain de Venise que se situe son troisième long métrage : la...

le 1 juin 2017

39 j'aime

1

Ne vous retournez pas
Buddy_Noone
9

La petite fille au ciré rouge

Le cinéma d'horreur "moderne" aura pris son essor en 1968 grâce à deux oeuvres majeures. Il y eut d'abord La Nuit des morts-vivants, huis-clos oppressant et séminal confrontant un groupe de...

le 25 sept. 2014

35 j'aime

Ne vous retournez pas
Gand-Alf
8

Profondo rosso.

Connu pour sa polémique concernant une scène incroyablement torride entre Donald Sutherland et Julie Christie, "Ne vous retournez pas" est surtout une certaine vision du cinéma fantastique,...

le 7 févr. 2013

34 j'aime

1

Du même critique

Malcolm & Marie
Pirlito
3

L'enfer, c'est la pose

Il danse et s’escrime en costume sur un James Brown tanguant ; elle, sublime en robe de soirée, cadrée dans un travelling initial léger et glissant… Va s’asseoir sur les toilettes. Malcolm &...

le 10 mars 2021

8 j'aime

2

Le Monde de Charlie
Pirlito
7

Le préjugé jugé joliment

Encore un film sur l'adolescence. Encore un film avec un titre hyper-mal traduit (mot-à-mot le titre original donne "Ou les avantages d'être une tapisserie", ce qui est nettement plus drôle et...

le 29 juin 2013

7 j'aime

2

Le Fils de Saul
Pirlito
10

Requiem pour un souvenir

Un arbre, deux silhouettes affairées en-dessous, à creuser semble-t-il, et la relative quiétude de la nature en arrière-plan : le premier plan du Fils de Saul est presque apaisé, et entièrement flou...

le 12 nov. 2015

5 j'aime

4