Promu DVD du mois de septembre 2010 par le magazine Mad Movies, Necromentia convie dans l’antichambre de l’enfer, ou plutôt : dans le couloir sans début ni fin de l’enfer, où atterrissent trois hommes arrachés à la paix de l’âme suite à une privation affective. Le réalisateur Pearry Teo revendique sa filiation avec Clive Barker et à bien des égards, l’identité visuelle de son second film (après The Gene Generation) évoque Hellraiser, tandis que l’une de ses créatures entretient une correspondance marquée (mais pas intégrale) avec celles de Cabal. Avec ses élans sadomasochistes, son radical parti-pris claustrophobe, ses héros chimériques, avides et désespérés, Necromentia pourrait s’inscrire sans mal dans la lignée de l’Hellraiser post-débâcle et surtout en relever considérablement le niveau.


Necromentia se distingue cependant par sa combinaison d’éléments propres au fantastique et au torture porn, avec une esthétique extrêmement sophistiquée, croisant les premiers Saw et La Cité des Enfants perdus. Outre la folle expression de fantasmes obscurs ou grotesques dignes de la saga ultra-gore et malsaine Guinea Pig (l’hallu du cochon pro-suicide, la mise en scène macabre du Red Room), Pearry Teo cultive l’attrait sexuel et psychique de la souffrance et de la poursuite de l’amour absolu. Son œuvre mise totalement sur cette ambiance quasi-mystique et sa corrélation avec une débauche macabre ; et pour une fois, un film d’horreur réussi à se montrer aussi dérangeant que stimulant.


Ses personnages semblent poursuivre une conception de la vie à l’intérieur de la mort et le métrage nous fait baigner dans ce tourbillon vénéneux, comme une transe faite seulement d’instincts, de matière, de costumes sur-mesure et de sentiments brûlants. Les personnages ne sont plus dans la vie (même ceux qui n’ont pas totalement rejoint l’abyme), ils sont déjà plongés dans la fosse, tous engouffrés dans la pauvreté et la marginalité sans plus apercevoir la lumière du jour ni les joies du monde commun. Au bonheur s’est substitué l’espoir du triomphe d’affects fou, au prix du complot avec un protecteur ténébreux.


Raconté dans un semblant de désordre au point de poser dans son premier tiers la question d’un film à sketches, Necromentia est rude dans sa narration et entretient ses tendances chaotiques. Tout le long, il tisse en fait un univers allégorique cohérent, abondant et virulent. Le maelstrom psychédélique débouche sur une mise en place psychédélique, jusqu’à l’étrange final recomposant tout ce qui s’est produit. Et si la structure met un terme à une possible confusion de l’esprit, elle a aussi pour effet de décupler le caractère lugubre et fascinant, ainsi que d’exulter la profonde mélancolie de Necromentia. Arpenter une seconde fois ses chemins sinueux est légitime car un retour redoublera le sens de sa vision et permettra de mieux infuser encore sa spiritualité aventureuse, soulignée par le theme enchanteur In Secundum Vita ou The Claw de Encephalon.


http://zogarok.wordpress.com/2014/12/03/necromentia/

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le 3 déc. 2014

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