Si dans 12 Hommes en Colère, Sidney Lumet nous frappe par l'humanité de ces personnages, dans Network, c'est par l'inhumanité de ceux-ci qu'il attrape notre attention et la dévore. Pourtant, Howard Beale nous avait dit qu'il était fou, il nous le répète depuis le début du film. Franchement, qui pourrait écouter sérieusement ce gourou de supermarché ? Pourtant, il se révèle le plus sain de tout les personnages présentés ici, spectateurs compris. C'est le chef d'oeuvre de Network. Il y a des films qui critique la télévision, il y a des films qui font des satires acerbes du capitalisme, du libéralisme et des médias. Network, lui fait tout ça sans jamais avoir besoin de nous le dire. Ce film qui commence comme une critique discrète de la dure loi du marché appliqué aux informations télévisées nous fait entrer au fur et à mesure à l'intérieur d'une machine implacable, une machinerie qu'on aurait pas gobée si elle nous avait été présentée tel quel, tout cela sans faire de bruit.
Why Compromise ? C'est le message final de ce petit spot publicitaire que l'on voit après la mort de notre personnage principal, pion dans un jeu d'échec qui dépasse largement notre champ focal. Tout cela arrive sous nos yeux sans que l'on s'en rende compte. Qui a vu arrivé la fin du discours de Jensen ? Jensen, cet homme qu'on ne verra pas plus de 10 minutes et qui va transformé cette satire télévisuelle, qui avait déjà trainée la télévision et ses spectateurs les moins critiques dans l'acide fluorique, cette satire télévisuelle qui se voulait déjà sans concession, sans compromis et glissant – voire nageant – dans le surréalisme, en critique de la déshumanisation volontaire d'un monde uni par les liens du porte-feuille.
Pas de concession, tellement peu que ce nouveau petit monde totalement cinglé comme s'il avait pris un chemin de fer de coke et crevé le ballon dans lequel il voyageait tranquillement et joyeusement, se félicitant de l'avancée de son plan, nous l'intégront totalement par la réalité qui y est insufflé. On est même près à croire qu'une chaîne de TV pourrait programmé des braquages de banques fait par des anarchistes nihilistes menés par un gourou se faisant appelé The Great Ahmet Khan, accompagnés en prime-time d'une membre du parti communiste américain. Un monde où un type disant « Bullshit », ferait des millions d'audiences. Un monde où les nations et la démocratie n'éxisteraient plus.
Un monde où la phrase : « Howard Beale, the man who's beens killed because he had lousy rating » n'étonnerait plus personne. Mais on ne tue pas pour cause de manque à gagner de nos jours. Dans notre monde démocratique et civilisé. N'est-ce pas ? Après tout, nous ne vivons pas dans le même monde que ce public de pacotille du « Howard Beale Show ». Il n'y a pas derrière nous une machine à huiler des cerveaux applaudisseurs compulsifs qui resteraient scotchés devant leur poste de télévision à regarder attentivement un homme qui leur dit d'éteindre leur poste. Tout cela est faux. Rassurons-nous.
Et, au fait, il y a quoi à la télévision ce soir ?

“Our children will live, Mr. Beale, to see that perfect world in which there's no war or famine, oppression or brutality - one vast and ecumenical holding company, for whom all men will work to serve a common profit, in which all men will hold a share of stock - all necessities provided, all anxieties tranquilized, all boredom amused. And I have chosen you, Mr. Beale, to preach this evangel.”, Arthur Jensen


( Et dire que j'avais l'idée d'écrire une critique constructive... )
MehrList
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le 31 janv. 2014

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