Réaliser une bonne comédie romantique sans tomber dans les pièges du genre n’est pas une mince affaire. Comme l’a démontré le réalisateur David Wain dans son récent pastiche They Came Together, le schéma narratif de ce style de film est tellement balisé, tellement criblé de clichés, qu’il est possible de concevoir 100 histoires différentes en inversant l’ordre des mêmes scènes et en changeant simplement les noms de personnages archétypaux. Bien entendu, certaines oeuvres parviennent à échapper à ce formatage et tentent, tant bien que mal, de proposer de nouvelles approches en bousculant les codes. On pense notamment à des films comme Annie Hall, Harold et Maude ou plus récemment High Fidelity et Un jour sans fin. Si New York Melody ne parvient jamais à se hisser au niveau d’originalité de ses illustres aînés, il demeure tout de même un film plaisant, porté par des acteurs solides et un amour de la musique salvateur.

Deux trajectoires descendantes, deux personnages écrasés par leurs histoires. D’un coté Gretta, chanteuse compositrice-interprète diminuée dans son âme et dans son art par une séparation douloureuse. De l’autre Dan, un ancien cador de l’industrie musicale ayant trouvé refuge au fond d’une bouteille après une descente aux enfers professionnelle et familiale. New York Melody est l’histoire de leur rencontre, de leur collaboration, et d’un amour commun pour la musique qui parviendra peut-être à penser leurs blessures.

Le début de New York Melody est assez effrayant. Dans un pub new-yorkais accueillant une scène ouverte, la jeune Gretta empoigne une guitare acoustique à contre-coeur, invitée sur scène par un ami bienveillant (mais un peu lourd) cherchant à faire découvrir son talent à la plèbe. Quelques notes, une voix fluette manifestement "auto-tunée" dans les virages serrés, une pop-folk acoustique générique, des paroles ineptes racontant la sempiternelle histoire de la petite fille perdue dans la grande ville avec pour seuls amis sa valise et sa mélancolie. On sert les dents, et pas que. Dés les premières minutes, tout semble cousu de fil blanc, parfaitement prévisible. John Carney va-t-il nous resservir la même formule que Once, transposée dans un contexte géographique différent ?

Bien heureusement, ce ne sera pas le cas. Soyons clairs, New York Melody ne surprend jamais par l’audace de son scénario, mais il parvient tout de même à se distinguer du tout-venant romantique grâce notamment à la personnalité décalée de Dan, parfaitement interprété par un Mark Ruffalo juste de la première à la dernière minute. Mélange improbable entre un Robert Downey Jr. des 90’s et Pascal Nègre, ce personnage est l'âme du film, l’étincelle de vie animant une carcasse souvent plombée par des ressorts dramatiques trop évidents. Anarchique, excessif, il parvient systématiquement à capter l’attention du spectateur, créant ainsi un décalage évident avec les autres personnages faisant fréquemment figure de simples faire-valoir bidimensionnels succinctement caractérisés. Face à cette performance drôle et désordonnée, même l’excellente Catherine Keener semble en retrait, dans le rôle de l’ex-femme épuisée par les facéties de son ancien amour à la dérive.

De son coté, Keira Knightley dans le rôle de Gretta, propose une composition honnête mais bien plus conventionnelle pour un personnage de prime abord assez plat et transparent. Sans réelle personnalité au début du film, elle semble petit à petit se nourrir du charisme de Dan et se révèle même attachante lorsqu’elle cesse de se morfondre sur les ruines fumantes de son amour perdu.

Comme le souligne le titre original du film : Begin Again, nous assistons ici à deux nouveaux départs. Ainsi, cette reconstruction, cette reconquête de soi, sert de dynamique à New York Melody et nous sommes témoins de la mutation progressive d’une personne au contact d’une autre. Au fil des rencontres, le personnage de Gretta gagne en aspérité et en épaisseur tandis que Dan devient plus humain, moins caricatural. C’est l’autre bonne idée du film : comment deux personnes dépassent la destruction d’une vie par la création d’une oeuvre. Car dans New York Melody, savoir qui finira avec qui à la fin des 104 minutes de métrage n’est finalement pas si important que ça.

Non, ce qui compte ici est de se retrouver soi-même avant de retrouver l’autre, de reconquérir sa propre créativité en priorité. La rencontre n’a pas pour finalité de créer de l’amour mais de l’art. Bien entendu, on ce serait bien passé du discours manichéen opposant bêtement artistes commerciaux sans âme enregistrant dans de confortables studios et musiciens “intègres” produisant leur album dans une ruelle new-yorkaise entre deux poubelles. Mais bien heureusement, le film, lui-même produit industrialisé financé par la Paramount et distribué par The Weinstein Company, ne s’attarde que rarement sur ce contraste stérile.

New York Melody est une expérience sympathique, un feel good movie dont on ressort avec le sourire. Loin de proposer une approche résolument originale de la comédie romantique, il n’en demeure pas moins un film malin contournant habilement les gimmicks du genre en se concentrant sur la musique plutôt que sur la romance. De ce fait, le film touchera logiquement d’avantage les amateurs de pop-folk que les métalleux par exemple, mais chacun saura y trouver son compte grâce à des dialogues maîtrisés et des personnages bien campés. Le parfait “tube de l’été” en somme : léger, frais et oublié une fois la rentrée venue.

En salles le 30 juillet

2014. États-Unis. Réalisé par John Carney. Avec Keira Knightley, Adam Levine, Mark Ruffalo, Hailee Steinfeld, Catherine Keener
GillesDaCosta
6
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le 4 août 2014

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Gilles Da Costa

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