La comédie pastorale

Yves Robert réalise en 1958 Ni vu ni connu à partir de L’Affaire Blaireau d'Alphonse Allais (1899). J’ignorais que mon maître ès absurdies, l’immortel père du Captain Cap, avait commis des romans pastoraux humoristiques. France Dimanche apprécie, il titre le 20 septembre : « Louis de Funès, l'acteur le plus drôle de France ». Avouons-le, ce comique a mal vieilli. Seule surnage la scène du concours de pêche, où, après avoir tapé des pieds, Blaireau hurle un tonitruant « 54 » à chacune de ses prises.

Dans le bucolique village de Montpaillard, accompagné de son chien Fous le camp,
le très facétieux braconnier Blaireau tourne en bourrique le lourd garde-champêtre Parju (Moustache), pour le plus grand déplaisir du maire. L’acteur Louis de Funès a déjà obtenu un début de reconnaissance dans La Traversée de Paris (1956) en jouant l’épicier Jambier. Il s’imposait, face à deux monstres sacrés Jean Gabin et Bourvil, dans une courte séquence au cours de laquelle il créait son futur personnage : obséquieux devant « le fort » et colérique devant « le faible ». La reconnaissance du grand public n’interviendra qu’en 1963 (Pouic-Pouic), pour s’imposer définitivement l’année suivante avec Fantômas et Le gendarme de Saint-Tropez.

Le mérite de Ni vu ni connu est de présenter, pour l’une des dernières fois, un Louis de Funès qui ne fait pas du Funès. Il ne crie pas, ne grimace pas, ne surjoue pas la colère. Au contraire, Blaireau est un doux, un taiseux, qui mime et sautille en courant la campagne, rit de bon coeur en jouant des tours à sa tête de Turc favorite. Il témoigne que le destin de Funès n’était pas encore écrit et que sa carrière aurait prendre une autre tournure. Heureusement pour tous les enfants et grands enfants, le maréchal des logis-chef Cruchot et le commissaire Juve ne manqueraient pas leur entrée sur scène.