Le film nous présente deux couples. Le premier est le couple normal, les Cutler, en voyage de noces (enfin, est-ce vraiment un voyage de noces ? Le mari a emporté une pleine valise de livres et ne pense qu'à son travail). Le second, c'est les Loomis (Marilyn Monroe et Joseph Cotten). Et on peut difficilement imaginer un couple plus mal assorti. Lui est sombre, toujours enfermé dans ses pensées et dans son bungalow ; elle ne vit vraiment qu'à l'extérieur et aime se montrer.
De plus, on se rend vite compte qu'elle se plait à torturer son époux : il n'y a qu'à voir son petit sourire quand il casse le disque...
Les deux couples s'opposent entre eux également. D'un côté, le couple "normal", de l'autre le couple "tragique". L'opposition est flagrante quand on compare les deux personnages féminins, la simplicité de Jean Peters face à la sophistication de Marilyn.
Il y a un autre personnage dont il faut parler : le Niagara lui-même. Fleuve symbolique : George Loomis dit qu'il est comme les couples : en amont il est calme et tranquille, puis plus il avance, plus il prend de forces ; enfin, dans les chutes, il libère toute sa violence. On comprend que l'histoire des Loomis est comme ce fleuve : on devine qu'ils ont été heureux, même si le film ne nous montre que la chute violente.
Car l'action du film est très resserrée, ce qui impose un rythme très rapide. Plusieurs fois on se dit que l'action est finie, mais elle rebondit quand même dans une autre direction. Il se passe toujours quelque chose dans ce film très court (1h25) et passionnant.
Le talent d'Henry Hathaway est pour beaucoup dans la réussite du film. Dès la scène d'ouverture, il mise sur un certain expressionnisme qui n'apparaît que dans les scènes principales. Il sait parfaitement bien raconter son histoire sans sombrer dans le pathos, malgré sa forte charge émotionnelle. Ça aurait pu être ridicule, c'est superbe.
Les interprètes aussi sont excellents. Joseph Cotten, découvert grâce à Orson Welles (et qui aura une carrière exceptionnelle, depuis Citizen Kane jusqu'à La Porte du Paradis, de Cimino) est magnifique en personnage désespéré, déprimé, sombre. A l'opposé, Marilyn parvient à merveille à incarner son personnage, un mélange de sensualité et de fragilité. C'était son premier grand rôle (après des seconds rôles dans des films prestigieux comme Quand la ville dort, de Huston) et il suffit de la voir pour comprendre que Niagara sera en grande partie responsable du mythe Marilyn.
SanFelice
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le 9 juin 2012

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SanFelice

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