Dan Gilroy est un scénariste connu pour avoir travaillé avec son frère, Tony, sur le mauvais The Bourne Legacy mais il a aussi collaboré sur le scénario de l’excellentissime The Fall de Tarsem Singh. Donc lorsque j'ai appris qu'il allait réaliser son premier film écrit par lui-même, je me suis dit que l'on pouvait s'attendre soit à du haut niveau soit à un pétard mouillé. Surtout que son premier film annonçait une ambition hors norme en promettant un décryptage du comportement humain ainsi qu'une satire de la société actuelle donc le film n'avait vraiment pas le droit à l'erreur surtout que le sujet de celui-ci est rarement exploité au cinéma ou du moins sous cette angle.
Sur ce point le scénario est une véritable réussite car il s'impose comme un miroir de la société, il n'est ni déformant ni édulcoré, il est la représentation juste et parfaite de ce qui ne va pas à notre époque. Il traite tout un tas de sujets comme la cupidité qui règne en maître, qui a atteint un niveau alarmant ou encore l'obsession maladive et morbide du sensationnalisme à tel point qu'elle en devient grotesque. Il pose donc une vision très cynique de notre monde, vision transmise par son personnage principal Lou, qui a une vision très particulière mais néanmoins assez juste de notre époque et du comportement humain. Il est plus intelligent et plus réfléchi qu'il ne le laisse paraître et arrive à manipuler son monde à la perfection, ce personnage est écrit de manière brillante pour que l'on soit fasciné par lui sans pour autant qu'on ait de l'empathie pour lui. D'ailleurs la plupart des personnages seront vraiment bien écrit, que ce soit la rédactrice en chef qui se laisse guider aveuglement par le système ou l’assistant un peu crédule qui se laisse bouffer par lui, et sont soutenu par des dialogues intelligemment écrit qui souligne une pointe d'ironie appréciable qui permet un humour très noir des plus savoureux. Le film se veut relativement moqueur envers nous et la société car même si elle est cruelle et immorale, c'est nous qui part notre passivité lui permettons de prospérer. En ça Lou est la représentation parfaite de la société, il est abjecte, sans pitié, égoïste et imbu de lui-même mais c'est par ces malversations et la passivité de ceux qui l'entourent, qu'il manipule allègrement que celui-ci peut atteindre le succès. Il se "nourrit" des faibles pour pouvoir devenir plus fort et le constat fait par le film est terrifiant car l'on vit dans une société qui récompense un être abominable mais qui paradoxalement est à son image, déshumanisé, froid, cupide et individualiste. On est donc en face d'une farce cruelle et amorale qui s'impose comme une satire brillante du monde d'aujourd'hui et qui par ses pointes d'ironie ce moque d'un système qui nous pervertie, nous spectateurs, et en ça le final sera très bien pensé. Néanmoins on peut regretter que l'écriture soit parfois prévisible dans ses retournements ou parfois maladroite sur certains événements comme une ellipse narrative assez mal géré mais le film a le mérite de ne pas tomber dans les clichés ou les stéréotypes.
Pour le casting, il est tout juste parfait notamment grâce à Jake Gyllenhaal qui signe ici sa meilleure performance, il est magistral dans son interprétation habité et dérangeante. Il est fascinant que ce soit dans son aspect physique impressionnant qui se rapproche d'un vorace ou dans l'intensité magnétique de son jeu qui varie entre le simplet timide, le manipulateur brillant ou le prédateur immoral et terrifiant. Il est aussi soutenu par un cast de haut niveau que ce soit l'excellente Rene Russo qui s'épanouit dans un rôle complexe, le très bon Bill Paxton dans un personnage savoureux ou encore le jeune Riz Ahmed, parfait dans le rôle de l'assistant.
Sinon pour la réalisation elle est très propre mais quelque peu générique, la photographie est léchée et la BO de James Newton Howard est excellent accompagnant l'ambiance à merveille mais le montage de John Gilroy est classique et manque d'inventivité et de fantaisie. On peut même appliquer ce constat à la mise en scène de Dan Gilroy, qui dans l'immédiat est très bonne notamment dans sa façon de filmer la violence en hors champ ce qui est plutôt intéressant vu le propos du film, ce qui d'ailleurs permet de créer le malaise grâce à une ambiance malsaine et glauque. On peut aussi noter deux moments de tension très bien géré qui nous donnent quelques sueurs froides ainsi que des courses poursuites impressionnantes et bien filmé mais pour un film qui se base sur la recherche d'images fortes et de sensationnalisme on était en droit d'attendre plus d’ingéniosité et de travail sur la mise en scène. Car ici elle est certes très bonne mais elle est aussi très classique et ne s'impose pas face à la concurrence de réalisateur qui ont déjà filmés L.A by night. Car on peut effectivement le comparer en terme d'ambiance au Collateral de Mann ou au Drive de Refn par son sens du cadrage, sa façon de capter le regard de son personnage qui patrouille dans la ville et par ses courses poursuites. Mais jamais il ne parviendra à égaler la maîtrise de Michael Mann ou de Nicolas Winding Refn, ce rapprochant plus de la vision urbaine de Walter Hill par exemple donc une vision beaucoup moins ambitieuse et pertinente ici.
En conclusion Nightcrawler est un très bon film, une plongée fascinante dans la psyché d'un rôdeur de nuit, d'un charognard qui se nourrit du faible pour devenir fort et qui fait un parallèle judicieux avec notre société qui broie et manipule pour s'enrichir sans se soucier d'autre chose que d'elle-même. On est en face d'une satire intelligente, incroyablement bien écrite et parfaitement interprété. Et les quelques errances de mise en scène ne viennent pas entacher un des films majeurs de cette année, qu'il est nécessaire de voir pour ses dénonciations justes et pertinentes d'un monde de plus en plus terrifiant.
Frédéric_Perrinot
8

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le 30 nov. 2014

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