Night Call se pose en brûlot incisif contre la trash TV et ses émissions racoleuses prêtes à (vraiment) tout pour décrocher le scoop qui fera exploser les audiences. Si le film manque un peu le coche dans sa charge contre la course au sensationnalisme, n’inventant rien et demeurant assez simpliste dans son approche, il crée un personnage de fiction suffisamment intriguant pour susciter un intérêt constant. Résultat, à défaut d’être une solide étude sociétale sur les dérives de l’infotainment, Night Call se révèle être une plongée dérangeante et fascinante dans la psyché biaisée d’un animal misanthrope, rejeton mal élevé de cette société malade de ses excès.
Dans la peau émaciée de Lou, Jack Gyllenhaal hypnotise immédiatement, impose son ton doucereux, sa démarche fuyante, son sourire pernicieux. Obsédé par la réussite sociale, son ascension professionnelle et la réalisation de son « business plan », il débite à qui veut l’entendre une dialectique viciée tirée d’ouvrages qu’il aura épluché et décortiqué seul sur le net pour construire un plan de carrière qu’il veut imparable. Lorsqu’il découvre un peu par hasard qu’il peut monnayer des images chocs filmées pendant la nuit à des chaines de TV locales pour leurs journaux du matin, il y voit l’opportunité rêvée pour enfin se réaliser. Obsessionnel, méticuleux et manipulateur, il se mue en charognard de l’info et s’affranchit de toutes barrières morales pour parvenir à ses fins.
La pathologie de Lou semble tellement éloignée d’un comportement humain qu’on peut se demander seulement si elle existe. Au final peu importe, la performance de Jack Gyllenhaal emporte tout et crédibilise Lou instantanément, ou du moins provoque un sentiment répulsif immédiat si fort chez le spectateur qu’il lui donne une réalité. Un personnage d’un cynisme absolu et malsain au possible, mais dont l’ambition bien humaine transpire dans le regard habité de l’acteur. C’est ce qui est fascinant dans la performance de Gyllenhaal, cette capacité à ne jamais tomber dans un jeu outrancier alors que son personnage se vautre dans la démesure.
Le réalisateur Gilroy lui offre un décor à la hauteur de ses déséquilibres, un Los Angeles poisseux et moite, filmé principalement de nuit. Night Call gagne d’ailleurs en efficacité lorsqu’il se meut en thriller, délivrant des courses poursuites en bagnole plutôt très réussies. La tension monte progressivement jusqu’à un final particulièrement bien exécuté, même si un peu excessif.
S’il ne brille pas particulièrement par son originalité et la précision de son propos, Night Call permet d’assister à l’une des performances d’acteur les plus impressionnantes proposées cette année. D’une richesse et d’une subtilité affolante, la prestation gigantesque de Gyllenhaal devrait lui valoir un ticket en or pour les Oscars. Ce serait tout sauf un scoop